Lilly avait passé une matinée assez éprouvante. En effet, une semaine plus tôt une de ses amies était venue la voir pour la supplier de l'aider à retrouver cette sorcière bénéfique qui avait réduit en cendre son compagnon pour se venger d'elle. Un sorcier partisan du bien de plus à tuer ? « Avec plaisir », lui avait répondu la belle brune. Quelques jours plus tard, elle s'était débrouiller pour que le petit-ami de cette sorcière se retrouve au Pink Paradise, une boite de strip-tease où Lilly travaillait. Elle en avait alors profiter pour séduire le jeune homme, usant de tous ses charmes pour l'attirer dans son lit. Néanmoins, celui-ci lui résista quelques temps et finit par flancher sous les belles avances et promesses de la jeune femme. Ils avaient alors passer une nuit longue et torride ensemble, et au petit matin, Lilly le poignarda dans son sommeil, avec quelques regrets. Et bien quoi ? C'était un bon coup ! Elle savait que sa petite-amie ne tarderait pas à rappliquer et après une intense bataille à armes égales, Lilly l'acheva sans aucune pitié.
Elle dormit toute l'après-midi, épuisée par le solicitement d'énergie qu'avait demander à de nombreuses reprises son pouvoir d'auto-guérison pendant le combat. Cela faisait longtemps qu'elle n'avait pas croiser une sorcière bénéfique aussi hors d'elle qu'aujourd'hui. Pourtant, elle avait su comment la blesser, lui rappelant sans cesse que son petit-ami défunt l'avait trompé et que malgré cela elle cherchait tout de même à se venger. Pourquoi ? Bonne question. C'était un des nombreux côtés du bien qu'elle ne comprenait pas.
Lorsqu'elle ouvrit de nouveau les yeux, le soleil se couchait. Elle décida donc d'aller faire un tour à la plage, elle aimait s'y promener, les pieds dans l'eau et le vent lui soufflant au visage, pour réfléchir ou méditer. C'est alors qu'elle se promena plus loin qu'à son habitude, bien plus loin, et entendit du bruit. On pouvait apercevoir au dessus des arbres une épaisse fumée noire et l'atmosphère s'était beaucoup réchauffé. Y avait-il un incendie ? Curieuse, elle s'approcha de plus près et découvrit une jeune fille qui donnait vie à un feu de camp géant. Elle semblait en transe, dans ses pensées, ne se rendant pas compte à quel point elle pouvait se mettre en danger toute seule vis à vis des personnes qui pouvait la voir utiliser ses dons. Elle était certaine qu'on aurait pu croire à un incendie à des kilométres à la ronde en apercevant toute cette fumée ! Peut-être même que certaines personnes rappliqueraient.
Lilly hésita un moment : devait-elle faire demi-tour ou bien aider la fillette ? Elle choisit de faire demi-tour puis se rétracta, envoyant "Katie", sa projection astrale face à la jolie brune.

- Qui êtes-vous ?

« Mais à quoi tu joues ? » lui demanda Katie, un poil énervée.

Le feu s'éteignit et Katie disparut. Lilly s'avança alors près de la jeune fille et lui tendit la main afin de l'aider à se relever, signe qu'elle ne lui voulait rien de mal. Elle savait que la petite, peu importe le camp dans lequel elle se trouvait, ne maitrisait pas encore tout à fait ses pouvoirs. Elle ne savait pas pourquoi mais elle se prit immédiatement d'affection pour elle, il y avait quelque chose, elle ne pouvait expliquer quoi, mais qui l'attirer carrément... C'était plus fort qu'elle.

« Je suis Nelly, Nelly Milton » mentit-elle. « Et toi, qui es-tu ? »

Lilly avait bien compris que cette petite crique était un endroit particulièrement précieux pour la jeune fille. Lorsqu'elle l'avait vu dans cette état de transe, complètement déconnectée du monde, laissant sa pyromanie s'amplifiait en fonction de ses pensées lui avait parfaitement démontré que la jolie brune venait ici pour méditer, pour réfléchir. Elle regretta alors un instant de l'avoir dérangée dans son petit moment de solitude, sachant elle-même à quel point cela pouvait être désagréable. Quand Lilly se perdait dans ses pensées, elle détestait qu'on l'en extirpe volontairement, et ce avant même qu'elle ai personnellement choisi de s'en retirer. Cela pouvait prendre dix minutes, une heure, trois heures... Une fois, elle avait même tué sa voisine pour cela. C'est pourquoi elle se promit alors intérieurement de ne jamais remettre les pieds ici, à la suite de cette rencontre, et de faire comme si ce lieu n'avait jamais existé afin que cette petite détienne un repaire à elle. Cet endroit qu'elle semblait avoir choisi de s'approprier et contre lequel Lilly n'y voyait aucun inconvénient. Elle avait seulement l'étrange sensation d'avoir violer son intimité...

C'était une magnifique crique. L'océan était d'un bleu magnifique et seulement quelques rayons du soleil couchant arrivaient à se faufiler entre les hauts arbres. C'était un lieu quasiment introuvable que Lilly n'aurait jamais découvert si elle n'avait pas empêché sa curiosité la ronger ; elle n'aurait alors jamais découvert d'où provenait cette épaisse fumée noire qui laissait croire à un incendie et n'aurait jamais rencontrée Lyra. Oui, elle s'appelait Lyra. Ce fut seulement lorsqu'elle se présenta que Lilly pressentit immédiatement que la jeune fille était sincère à propos de son identité. Elle trouvait son prénom vraiment très joli, exactement le même qu'elle avait attribué à sa petite poupée qu'elle chérissait étant enfant. Et similairement, la jeune fille était aussi belle qu'une poupée. En la regardant, elle ressentait toujours cette affection spontanée qu'elle éprouvait envers elle et qu'elle ne pouvait expliquer. C'était comme si, même ignorant tout d'elle, elle ne pouvait la détester. Elle l'avait déjà ressenti envers une sorcière bénéfique auparavant, sorcière qu'elle détestait tout particulièrement d'ailleurs. Était-ce naturel ou ce sentiment relevait-il de la magie ?

C'est alors que Lyra prononça les termes "abominables sorcières" et "bénéfique" tout en désignant Lilly, dans la même combinaison de phrases. Susceptible, la jeune femme se vexa profondément et sentit le sang circulait plus vite dans ses veines. Elle fronça les sourcils. Avait-elle une allure de sorcière bénéfique ? Non, elle voulait se persuader que ce n'était pas le cas. Quand on la connaissait bien, on comprenait vite de quel côté elle penchait, se vêtant toujours de couleurs noirs, rouges/rose, ou bordeaux. Lorsqu'elle s'habillait en blanc, c'était uniquement car elle espérait infiltrer une famille de sorciers bénéfiques. Elle s'agaça devant la nervosité de la jeune fille :

« Comment ça, que je suis une sorcière bénéfique ? » Elle fronça les sourcils, les mains sur les hanches, profondément blessée par sa réplique. « Tu rigoles j'espère ! » ajouta-t-elle. « Je passe mes journées à les exterminer, eux et leur foutu bonheur éternel ! »

Rien que la pensée du bien, du bonheur, de l'amour et de la joie lui filait la nausée. Ces êtres partisans du bien, n'en avait-il pas marre de croire au bonheur et à l'amour ? Comment, après toutes ces années à tenter en vain de le détenir, n'avait-il pas compris que le bonheur se foutait d'eux ? Qu'il le veuille ou non, le mal serait toujours présent et à l'avenir il y aura toujours quelqu'un pour démolir leur précieuse vie. Le Mal est immortel. Chaque être ressentira toujours, et peu importe les circonstances, ces sentiments de colère, de haine, et de rancoeur... C'est une partie de l'être de chacun de nous, plus prononcée chez certains, moins chez d'autres, mais bien présente. Alors pourquoi ne pas pactiser avec le mal tout de suite ?

« Mais attends une minute... Qui me dit que tu n'es pas une sorcière bénéfique ? » lui dit-elle, son naturel méfiant revenant au galop. « Pourquoi devrais-je croire à ton sous-entendu ? »

Lilly était encore sous le choc : comment pouvait-on la comparer à une sorcière bénéfique ? Elle se jura de peaufiner encore mieux son image dès qu'elle en aurait l'occasion afin que sa prochaine rencontre sache immédiatement à qui elle aurait à faire. Non mais beurk ! Le bien ? Quelle idée saugrenue !
L'avoeu de la jeune fille sur le meurtre de ses parents fit réfléchir Lilly. Ainsi donc, celle-ci avait basculé du côté du mal car de simples bénéfiques s'en seraient pris injustement à eux ? C'était cohérent. Elle cherchait une faille dans le discours de Lyra mais en vain. En effet, celle-ci paraissait tellement sincère et innocente que c'en était troublant. Elle songea donc que si c'était vraiment le cas, la jeune fille aurait encore beaucoup de choses à apprendre, notamment sur le fait de toujours cacher son identité, à qui que ce soit. Ne serait-ce que pour les représailles des meurtres qu'elle aurait pu commettre.
C'est alors que Lyra s'approcha doucement de Lilly, repoussant ses cheveux derrière ses oreilles et lui murmurant tout bas quelque chose qui fit sourire la jeune femme. Elle se sentit alors comme hypnotisée, ne pouvait plus faire un geste ni dire un mot sans songer à la beauté incontournable de la jeune fille. Ce pouvoir d'attrait était d'une puissance tellement déroutante que Lilly paraissait confuse. Elle reprit peu à peu ses esprits et se mit à tourner autour de Lyra, l'observant des pieds à la tête, puis posa ses deux mains sur les hanches et déclara, un sourire en coin :

« Très bien. Je te propose un marché : je t'aide à exterminer les meurtriers bénéfiques de tes parents et en échange, tu te rallies à ma cause et m'aides à obtenir plus d'informations sur le fameux pouvoir des Trois. »

En réalité, le côté maléfique de Lyra avait profondément séduit Lilly qui tenait absolument à tisser des liens avec la jeune fille. Etait-ce à cause de son pouvoir d'attrait ou une simple réalité ? Elle n'en avait aucune idée, elle voulait juste en apprendre plus sur Lyra pour qui elle s'était éprise d'une affection soudaine. Là encore, elle n'aurait su dire si cela était à cause de son pouvoir ou non. En fait, elle voulait former la jeune fille à son image, la rendre encore plus mauvaise qu'elle ne l'était déjà et la demoiselle avait tellement de choses à apprendre pour devenir redoutable que Lilly se réjouissait déjà à l'idée d'être son mentor. Ce qui était certain, c'était que son marché était anodin dans le sens où Lilly n'avait absolument pas besoin de Lyra pour obtenir les informations qu'elle voulait. Voilà des années qu'elle faisait cavalier seul et elle savait très bien comment s'y prendre pour manipuler les gens et obtenir ce qu'elle voulait. Mais cette fois-ci, ce n'était pas les mêmes intentions maléfiques qui soudoyaient Lilly, mais seulement le fait d'enseigner et de prendre sous son aile quelqu'un qui en valait la peine. Et puis, assassiner les meurtriers de ses parents ne serait qu'un bonus à sa très longue liste de meurtres.

« Et bien quoi ? Tu veux à tout prix venger tes parents, n'est-ce pas ? » insista-t-elle. « Je te propose mon aide, tu en auras besoin. Et ne t'en fais pas, il n'y a aucun piège là-dedans. Mais si tu veux y arriver, sache tu as encore beaucoup de choses à apprendre comme contrôler tes pouvoirs ou même protéger ton identité... »

Elle tourna une nouvelle fois autour de la jeune fille puis lui tendit une main, synonyme qu'elle respecterait sa parole et ses promesses d'actes.

« Enchantée Lyra, moi c'est Lilly » conclut-elle de sa voix la plus sincère.

Alors que Lyra était encore un peu sur la défensive vis à vis de la proposition de Lilly, la jeune femme fouillait son propre esprit de fond en comble à la recherche d'autres arguments plus convaincants. A vrai dire, elle s'en contre-fichait royalement du pouvoir des Trois, elle était suffisamment lucide pour savoir qu'à elle seule elle ne pourrait jamais le récupérer, et ce n'était pas le genre de femme qui pactise avec d'autres individus pour ce genre d'alliances. En général, les pactes ne valent rien et il y a toujours un abruti qui vient rompre sa parole, parole qui d'ailleurs n'est toujours que du vent. Lilly ne fait confiance à personne et sait très bien que lorsqu'il est question de pouvoir et de puissance, c'est toujours chacun pour sa peau. Et à choisir, elle préfère encore préserver la sienne en ne se mettant pas à dos les plus grands sorciers de la planète.
Cependant, elle trouvait que Lyra détenait beaucoup de potentiel pour devenir une grande sorcière. Sa pyromanie, si elle arrivait à la contrôler, pourrait alors devenir un don capital et très puissant. Et puis, on ne rigole pas avec les pyromanes ; lorsqu'il se mette en colère leur puissance décuple tellement qu'ils pourraient raser des villes entières s'ils en avaient l'envie. Lilly trouvait que c'était un don fascinant qu'elle aurait adoré développé si elle l'avait pu, et d'avoir une alliée pyromane pourrait réellement lui être favorable en cas de problèmes. C'est pourquoi il était tout à fait évident pour la jeune femme qu'elle devienne son mentor, celle qui montrerait à cette jeune fille tout le potentiel qu'elle détenait et qu'elle était en mesure d'utiliser à très bon escient... Ou pas.
Lilly répondit donc aux interrogations de la jeune femme, cherchant à la rassurer sur le bien fondé de sa proposition :

« Tu as besoin de mon aide pour contrôler tes pouvoirs », lui expliqua la jeune femme. « Seule, c'est beaucoup plus dur d'y arriver. Je suis passée par là avant toi, j'ai du me débrouiller face à tout ce qui m'arrivait, et je regrette de n'avoir eu personne de présent pour moi lors de ces moments là... »

Elle repensa alors à tous les désastres qu'elle avait commis par la simple raison qu'à un mauvais moment, elle eut le malheur de ne pas controler ses pouvoirs. Elle se rappela alors son pitoyable professeur de chimie au lycée à la soixantaine d'années qui osait lui faire des avances. Un jour qu'il avait essayé de la violer, elle avait malencontreusement déclenché son pouvoir de douleur qui faisait naitre dans l'esprit de son ennemi de violents maux de têtes. Alors qu'il ne cessait de hurler, Lilly n'arrivait pas à stopper son pouvoir et des vigiles de l'établissement pénétrèrent dans la pièce au moment même où l'homme tomba raide, inconscient. Tout comme la fois où, renversait violemment par un camion, on l'avait conduit à l'hôpital... Et lorsqu'on commença à l'examiner, sa fracture du bras droit, ses côtes cassés et ses plaies sanguinolentes étaient totalement guéries.
S'extirpant peu à peu de ses souvenirs, elle revint à elle et poursuivit :

« Tu n'imagines même pas l'existence même du potentiel incroyable dont tu es dotée grâce à ton pouvoir de pyrokinésie. En effet, sache qu'une sorcière qui sait bien le contrôlée devient une sorcière redoutable et redoutée », lui confirma-t-elle d'un hôchement de tête. « Je sais qu'en t'aidant dans ton apprentissage, tu me devras en quelque sorte une dette et que le jour où j'aurais besoin de toi pour X raison, j'aurais une puissante alliée dans mon camp. »

Après que Lyra lui ait légèrement serré la main, Lilly repoussa ses longs cheveux bruns en arrière, affichant un fin sourire satisfait et triomphale sur son visage. Elle était très heureuse d'avoir trouvé une nouvelle recrue, ce qui ne voulait certainement pas dire que Lyra en serait pour autant son esclave. Non. Lilly était une cruelle sorcière quand elle le voulait, mais elle tenait trop à sa propre liberté pour séquestrer celle des autres. D'ailleurs, ce serait l'une des règles primordiales qu'elle apprendrait à Lyra : ne jamais avoir un autre maître que soi même.

« Non, bien sur que non ! Je ne suis pas ton maitre et tu n'es certainement pas mon esclave. Considérons nous simplement comme deux "amies" qui se rendent des services l'une envers l'autre », elle insista sur le terme amies afin de faire apparaitre dans le ton qu'elle employa tout le sens ambigüe qu'elle lui attribuait, puis elle afficha son plus beau sourire avant de continuer. « Qu'en penses-tu ? »