Charmed, the ultimate Battle.
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La raison mystérieuse.

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La raison mystérieuse. Vide
MessageSujet: La raison mystérieuse. La raison mystérieuse. Icon_minitimeLun 20 Juin - 23:50

[C’est pas certain que je reste à la première personne jusqu’au bout du RP. En fait ça dépend de mon humeur. ]

    Il était une fois une créature née des brumes et du néant. Un être presque décharné à qui l’on attribua une force et une volonté. Un Frankenstein dont le créateur n’était autre que l’imagination débordante des hommes. Autrement dit, un être nuisible que l’on m’avait chargé de faire disparaître il y a longtemps de cela. Si longtemps, que seules quelques parties de mon être s’en souviennent. J’aurais aimé l’oublier à jamais, mais mon corps en décida autrement. Les armes à feux telles que celles que je possède à présent n’existaient pas encore. Je n’avais pour force que mes faibles connaissances de l’époque. Je n’étais qu’un élève, un apprenti qui n’aurait pas dû se lancer si tôt dans le métier. La partie enquête de mon travail s’était bien déroulée. J’avais fait appel à quelques aides qui me menèrent sur le chemin de l’entité que je recherchais. Par ailleurs, ce dernier ne masquait pas les traces de son passage et son orgueil me mena jusqu’à lui. Peu importe comment le piège se referma, je l’avais en face de moi. La lame de mon épée fendant vers son visage mais s’immobilisant, parce qu’un détail dans son regard me frappa. Peut-être pas aussi fort cependant que le coup qu’il m’asséna en profitant de la situation. Peut-être n’aurais-je eu aucune chance contre lui, de toute manière. Peut-être ma faiblesse m’avait-elle sauvé la vie, en fin de compte, puisque mon manque de courage ou de volonté – qu’en sais-je ? – avait apaisé sa colère. Ce jour-là fut le premier des six-cents journées que je passais dans le coma. Et comme pour marquer son territoire, il grave involontairement sur ma hanche la marque d’une griffure empoisonnée qui ne s’en alla jamais. À mon réveil, mon commanditaire était mort, et j’avais survécu. Inutile de poursuivre l’entité, puisque je ne recevrais plus de récompense. J’abandonnais cette affaire aux mains des futures victimes et tant pis pour elles. Plus tard, me dis-je en espérant ne jamais le revoir.

    L’année 2011 est pleine de surprises et de menaces. Me voilà à San Francisco en compagnie de la troupe qui m’éduqua. Notre cirque s’étant installé non loin de la cité, j’en profitais régulièrement pour visiter les paysages. Quelques rumeurs avaient déjà circulé sur mon compte, et je me retrouvais avec quelques contrats sur les bras. Très peu, heureusement. Mais assez pour me voler quelques journées. Le dernier que j’avais reçu me parlait d’un démon à exterminer, pour avoir abattu un psychiatre. Si mon travail ne relevait que d’histoires de vengeances, je ne le pratiquerais pas. Mais il semblerait que le psychologue ne soit pas la seule victime de la créature, et qu’elle ait vécu durant bien assez longtemps maintenant. La récompense à la clé fut bien plus motivante que la mission en elle-même, et j’apposais ma signature sur le parchemin. Je devais chercher un individu dont le prénom ne me disait absolument rien. J’allais utiliser la procédure habituelle, c’est-à-dire de me montrer à mon futur ennemi afin de le connaître, de l’étudier et de le tuer le plus tôt possible. Mais mon interlocuteur me précisa alors le nom de famille. Si ma mémoire n’était pas des plus grandes, je ne pouvais oublier que l’être maléfique qui m’avait fait côtoyer le royaume des morts se nommait aussi Niflheim. Descendant ou lui-même, peu de démons devaient s’amuser à prendre le nom de Nibelheim. Et en entamant mes recherches, je compris qu’il s’agissait du même adversaire que j’affrontai des millénaires plus tôt.

    J’obtins différents contacts dans la ville. Je m’assurais de ne jamais croiser son chemin tout en m’informant comme je le pouvais à son sujet. J’appris où il logeait, où il travaillait, et je décidais de m’y rendre. Muni d’un fusil à lunettes, chose que je ne possédais pas lors de notre première rencontre, je tentais plusieurs fois de l’attendre dans un lieu désert. Mais cet homme fuyait les chemins habituels comme il fuyait l’ennui. Je ne pouvais prévoir ni ses mouvements, ni ses déplacements. Alors je laissais ce plan de côté le temps d’en chercher un autre. Une représentation allait avoir lieu aujourd’hui et je restais assis en face de la cage aux fauves alors que le public pénétrait sous le chapiteau de fortune que nous avions érigés quelques jours plus tôt au centre de nos roulottes. Je contemplai la dorure des iris fougueux de mes bêtes, bien trop calmes pour que l’entourage apprécie lorsque je les montrerais. Ma main cogna contre les parois de la cage à plusieurs reprises, faisant frémir leurs oreilles et remuer leur queue sous l’agacement. Je vis même une tête noire se lever pour me lancer un regard qui en aurait fait frémir plus d’un. Moi-même je frissonnais devant la sauvagerie de cette panthère, qui était de loin la plus dangereuse des félines que j’avais ici.

    « Maître ? C’est bientôt à vous. »

    Bien qu’il m’arrachait à ma contemplation, je n’accordai aucun regard à mon élève. J’étais préoccupé par l’état de fatigue des animaux dans leurs cages. La panthère semblait particulièrement sur les nerfs, et il valait mieux pour moi que je ne la fasse pas sortir aujourd’hui. Je fis signe à mon apprenti de faire rentrer dans la cage du cirque un puma et un ocelot tandis que je me dirigeais vers ma loge pour me préparer. Le pauvre idiot me supplia de ne pas le laisser le faire seul, par peur de ne pas y parvenir. Mais je l’envoyais sur les roses en lui ordonnant de me laisser tranquille. Mon esprit était occupé par la vision que j’avais eue avant que le spectacle ne commence. Parmi toute la foule venue acheter un ticket et rentrer, il y avait l’homme dont justement je prétendais ne pas deviner les intentions. Nifheim était là, quelque part dans le public. Dans ma loge, je me revêtis d’une combinaison de cuir qui me donnait chaud, mais qui me permettait d’être reconnu par les fauves. À force de les entraîner et de les habituer à me voir ainsi, ils savaient que dans cette tenue je devenais leur maître. Les félins restent cependant dangereux et imprévisibles. Insoumis, dit-on. Une capuche sur le crâne, je posais sur mon visage un masque vénitien qui empêchait toute reconnaissance faciale. Je pénétrais dans le chapiteau par ce qu’on appelait l’entrée des artistes. Les félins étaient déjà dans leur cage au centre, et l’idée que mon élève ne fût pas si idiot que cela m’apaisa un peu. Avant de rentrer complètement, je profitais des échafaudages de fer qui me cachaient pour observer le public. Et je cherchais le visage de cet homme, le temps que mon collègue présente le prochain numéro. Anton m’apparut comme s’il brillait de mille feux dans des ténèbres. Il avait été le dernier visage que j’aperçu avant ma longue errance dans le monde des rêves. Alors je pouvais maintenant le reconnaître entre milles sosies.

    Lorsque mon tour s’annonça, qui était d’ailleurs le dernier du spectacle, je m’armais d’un long fouet noir dont je me servais pour tenir les félins en retrait, puis je pénétrais dans la cage. Le puma se montra particulièrement docile, à mon grand étonnement. Il resta sagement sur le tabouret tandis que je m’occupais de faire avancer l’ocelot sur le sable. Je ne pouvais me permettre de leur tourner le dos. Ni à eux, ni à ‘lui’. Je finis par les faire coucher face à moi, et je jetais un rapide coup d’œil à la salle circulaire. Dans la cage, je ne pouvais parler ou crier car les seuls sons qui devaient sortir de ma bouche étaient des ordres pour les animaux. D’autres paroles, surtout si je les hurlais, pouvaient les perturber, les rendre nerveux, les agacer. Alors je fis signe à mon élève de s’approcher de la cage dans laquelle j’étais enfermé, puis je lui murmurais ce qu’il devait dire à ma place.

    « Nous allons laisser place à un numéro spécial ! Quelqu’un dans le public va être choisi pour caresser le jeune puma ! »

    Je sortis de la cage après avoir fait claquer mon fouet, puis je passais lentement devant quelques rangées en attardant volontairement mon regard sur plusieurs visages. Je fis un détour pour finalement arriver face à l’homme que je devais tuer. Je lui tendis la main, et mon élève lui expliqua quelques consignes de base des choses à ne pas faire pour ne pas énerver les bêtes. Pas de mouvement brusque, les laisser venir à lui, faire confiance au dresseur… Je rêvais à ce moment de claquer mon fouet sur ce visage si intriguant, mais cette simple pensée m’électrisa l’échine dorsale. Quelque chose me poussait à le haïr bien trop profondément, et je me surpris à me demander s’il s’agissait réellement de haine. J’amenais mon élu jusqu’à la cage en m’enfermant dans mon silence. La mâchoire serrée, je nous enfermais à l’intérieur et réfléchissais à la manière de régler ça sous la forme d’un accident. Je savais que je n’allais probablement pas en sortir indemne, et peut-être même pas du tout. Mais quelque chose me poussait à aller jusqu’au bout. Si j’aurais fait preuve de plus de patience et de prudence avec n’importe quel autre adversaire, là je sentais qu’attendre plus longtemps m’aurait été insupportable. Il était temps d’en finir avec tout ça !

    « Prends la clé, n’ouvre surtout pas. Et dis aux autres de faire sortir tout le monde dès que ça dégénère. Allez dégage. » murmurais-je à mon élève avant de m’avancer au centre de la cage. Le fouet en main, je le claquais sèchement sur le sol en fixant l’ocelot du regard. Allez, debout lui disais-je par mes gestes devenant de plus en plus brusques. L’animal me montra les crocs et fut aussitôt rejoins par le puma. Les claquements secs les faisaient sursauter et les énervaient. Ils se relevèrent tous les deux d’un air particulièrement menaçant, et leur instinct sauvage prit le dessus. Autour, je vis mes collègues faire sortir le public et l’agitation ne fit que rendre plus nerveux les félins. Je n’avais plus aucune domination sur eux. Cependant j’avais le fouet, alors ils préférèrent se tourner vers la personne qui, lui, n’avait pas le fouet…

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MessageSujet: Re: La raison mystérieuse. La raison mystérieuse. Icon_minitimeMar 21 Juin - 17:58

[T'inquiète, je comprends tout à fait, moi aussi il m'arrive de changer. Fais comme bon te semble !]

    La première fois que Anton dut revêtir des gants, il ne put supporter bien longtemps la sensation du velours… Ou était-ce de la soie ? Sur ses doigts. Plus que jamais la douceur du tissu effleurant sa peau ne représentait rien de plus qu’une prison, le dernier signe de sa déchéance. Jadis, protéger les autres de ses propres pouvoirs ne constituait rien de plus qu’un acte superflu, inutile. Il fut un temps où il ne se contentait pas de posséder pouvoirs et capacités magiques : il était la magie dans toute sa magnificence, sa sauvagerie comme sa magnanimité. Être qui n’aurait jamais dû naître, chimère de l’imagination des hommes et de leurs erreurs, il ne vivait que pour lui, brûlant plus que jamais de connaître chaque émotion qu’une existence qui aurait dû se refuser à lui pouvait lui apporter. Lui qui s’était éveillé si lentement au ressenti des humains se sentait constamment ivre de pouvoir. Non pas le pouvoir de la magie, mais celui tellement plus abstrait de tous ces êtres vivants, celui des sensations. La douceur de l’amour, la brutalité de la haine, le désespoir dans la souffrance… Il ne pouvait tout simplement pas se priver de ce don qu’on lui avait fait. Alors oui, il protégeait sa vie comme une mère veille sur son enfant, s’enfermant dans une paranoïa solitaire et invitant pourtant dans son existence chaque âme qu’il croisait. Quelle ironie n’est-ce pas ? Il ne pourrait jamais vraiment appartenir à ceux dont il cherchait désespérément la présence. La compagnie des humains le désespérait tout en lui apaisant son cœur. Comment se résoudre à abandonner les sentiments heureux par crainte de la douleur ? Alors il plongeait dans une frénésie d’activités, de rencontres, d’émotions, toujours plus profondément, jusqu’à ce que toutes se mêlent pour ne plus que le porter vers l’espoir d’une existence dénuée d’ennui et d’indifférence.

    Comprenez-vous à présent pourquoi il ne pouvait renoncer à la vie ? Pourquoi il se battait avec tant d’acharnement contre ceux la mettant en danger ? Et ceci s’étendait à tous ceux l’éloignant encore un peu plus d’un monde dénué d’émotions. Aucun d’entre eux n’était autorisé à mourir avant d’avoir illuminé à leur maximum l’existence de la créature égoïste qu’était Anton. Bien sûr, cette façon de penser s’était atténuée au fil des siècles, ou du moins des millénaires. Mais avant… Il était le premier à reconnaître que son orgueil n’avait d’égal que sa poursuite du bonheur et de l’assouvissement de ses envies. Alors quand on se mettait sur sa route, il attaquait, sauvage et sans maître telle la magie qui avait commencé tout ça. Il ne tuait pas à chaque fois, mais lorsque cela se produisait, l’imbécile vaniteux ne couvrait nullement ses traces, conduisant tout chasseur droit sur lui. L’un d’eux en particulier avait failli l’avoir, lui tendant l’un de ses pièges ingénieux dont seul son ancien don d’auto-guérison aurait pu le sortir. Mais alors que son regard ébahi, presque innocent dans sa surprise et pourtant toujours marqué par la fierté, avait croisé celui si bleu de son adversaire, la lame s’était stoppé juste avant d’atteindre son visage. Il n’avait alors pas réfléchi, sa main dépourvu de gant frappant violemment son attaquant, laissant libre cours au poison qui parcourait ses veines. Et pourtant, il lui a toujours semblé qu’il n’avait pas frappé aussi fort qu’il l’aurait pu, que le poison s’était fait moins agressif, moins prompt à achever sa cible. Mais cela avait-il la moindre importance ? Lorsqu’Anton avait quitté les lieux, le corps de l’assassin semblait dénué de toute étincelle de vie. La brume avait alors trouvé le commanditaire de son agression, l’avait éliminé cette fois sans préambule. Et il avait quitté le royaume.

    Pourquoi repenser à tout cela, des millénaires plus tard ? Parce que le cirque auquel avait appartenu cet assassin était à San Francisco, et Anton n’avait jamais pu vraiment l’oublier. Rien d’étonnant à cela lui direz-vous, après tout sa mémoire a conservé toute sa puissance alors que même le pouvoir s’échappait peu à peu de lui. Mais il y avait autre chose. Etait-ce l’incompréhension de ce qui avait retenu le coup ? Le désir de savoir s’il ne s’agissait que de l’hésitation d’un premier meurtre ou d’autre chose ? Le regret de ne pas avoir maîtrisé ses instincts de conservation et d’avoir aussi privé une autre âme de ce que lui-même chérissait si farouchement, la vie ? Quelle importance à présent ? Il décida néanmoins d’aller voir ce fameux risque, dissimulant ses interrogations du passé et le léger tiraillement au creux de son estomac sous le soi-disant besoin de se divertir et la curiosité de voir un cirque si âgé en vrai. De toute façon, il n’y avait personne pour lui lancer à la figure la vérité derrière ses agissements. Un sourire presque amer étira son visage lorsqu’il songea que peu parvenaient à comprendre le pourquoi de ses actes, quand bien même on cherchait à savoir pourquoi. Puis il secoua la tête, refusant de s’attarder plus longtemps sur… Quoi ? Ce qu’aurait été une vie s’il était né comme n’importe qui ? Drôle de manière de se montrer reconnaissant d’exister tout court. S’efforçant de sourire de nouveau, il attrapa son habituelle veste de cuir avant de se diriger vers son aventure du jour. Il s’assura d’un coup d’œil dans le miroir qu’il n’oubliait rien, et que le couteau attaché à son mollet n’était pas visible. Ceci comme les gants, non plus de velours mais de cuir, marquait définitivement la faiblesse qu’était la sienne. Mais comment le regretter ? Cela ne le rapprochait-il pas des êtres « normaux », qu’il enviait comme il les plaignait ?

    Ainsi vêtu d’un jean et d’un banal T-shirt crème, autant dire qu’il ne détonnait pas par l’excentricité de sa tenue. Il en était souvent ainsi, ayant décidé il y a bien longtemps que son caractère se suffisait à lui-même en matière de folie, inutile d’y rajouter une garde-robe extravagante. Son humeur un peu noire déjà oubliée puisque habitué à présent au port obligatoire d’une barrière entre sa peau nue et le monde extérieur, il sifflotait gaiment les musiques des différents Disney qu’il connaissait. On le regardait étrangement, et alors ? Il se faisait dévisager depuis plus de 4500 ans. Il se sentirait presque offusqué si on dédaignait à son étrangeté l’attention qui lui revenait. Lorsque la foule autour de lui se fit plus compacte, comprenant autant de couples énamourés que d’enfants surexcités, il en déduit que son sens de l’orientation ne lui avait pas fait défaut. Non pas qu’il ne s’attende à ce que sa mémoire ne l’induise en erreur. Nullement déphasé par le fait d’être quasiment le seul adulte de son âge (physique, évidemment) au sein du public, il s’installa confortablement sur un siège suffisamment en avant pour qu’il profite convenablement du spectacle.

    Enfin, il commença. Ses réflexions nostalgiques s’échappèrent dans son inconscient au profit d’un amusement et d’une admiration quasi enfantine, ses yeux grands ouverts ne perdant pas une miette des numéros présentés. Il avait beau pouvoir se remémorer nombre de spectacles dans les moindres détails, cela ne valait jamais la réalité, et cela faisait bien longtemps qu’Anton ne s’était pas laissé aller à une telle distraction. Il en oublia le contact des gants sur ses mains et les souvenirs hantés par des yeux bleus, savourant la joie quasi enfantine d’être au cirque et de sentir aussi vivant. Il ressentit un léger pincement au cœur lorsque le dernier numéro commença. Celui-ci constituait visiblement au classique mais indétrônable dressage de fauves. Deux hommes entrèrent, mais seul un retint l’attention de Anton. Vêtu de cuir, il lui arracha une grimace de compassion à l’idée de combien il devait avoir chaud. Lui-même avait ôté sa veste. Mais là n’était pas le plus important, le point marquant de son costume constituant en un masque et une capuche dissimulant entièrement son visage et ses cheveux. Cela n’aiguisa néanmoins pas plus que cela la curiosité du blond, songeant simplement qu’il s’agissait d’une mise en scène pour se mettre dans le rôle du dresseur impitoyable et puissant. Le numéro se déroula sans anicroche et Anton retomba dans son état précédent d’amusement juvénile, yeux brillants et sourire aux lèvres. Puis les animaux stoppèrent leurs mouvements alors que le dresseur chuchotait quelques mots à l’adresse de celui que Anton avait étiqueter comme un apprenti.

    « Nous allons laisser place à un numéro spécial ! Quelqu’un dans le public va être choisi pour caresser le jeune puma ! »

    Ceci provoqua un léger sourcillement chez Anton, le public étant majoritairement composé d’enfants ou de jeunes couples, mais pourquoi pas. Après tout, il ne devait y avoir aucun risque sinon le cirque n’aurait pas survécu aussi longtemps. Il observa sans émotion le dresseur parcourir les rangs du public, supposant qu’un adolescent ou un couple enthousiaste serait choisi. Au lieu de cela, l’homme s’arrêta devant lui, la main tendue. Qu’est-ce que lui fit accepter en serrant la main offerte pour se redresser, plutôt que de décliner poliment ? L’ennui, le désir de s’amuser toujours un peu plus, les regards envieux sur lui, ou bien les yeux dont le bleu lui rappelait presque douloureusement ceux qui l’avaient jadis troublé ? Il n’y réfléchit pas, se contentant d’adresser un léger sourire au dresseur avant de laisser retomber sa main, écoutant d’une oreille distraite les instructions de l’apprenti. Ensemble, ils s’avancèrent vers la cage. Il frissonna légèrement lorsqu’il se retrouva enfermé à l’intérieur, n’appréciant que peu les espaces clos desquels il ne pouvait plus échapper aussi aisément qu’autrefois, avant de se reprendre. Que risquait-il ici ? Il attendit sagement qu’on lui donne des instructions, sourcillant néanmoins légèrement en voyant la clé disparaître dans la main de l’apprenti. Enfin, tant qu’il ne la perdait pas…

    Son souffle se coinça brusquement dans sa gorge lorsque le public commença à évacuer la salle, tous ses instincts lui criant de fuir cet endroit où il n’aurait jamais dû venir. Mais fuir où ? Bientôt, les rangées de spectateur ne furent plus qu’un vague souvenir, seule la veste de cuir d’Anton restant tristement abandonné sur son siège. Il se retourna pour demander des explications au dresseur mais les mots lui manquèrent de nouveau lorsqu’il vit que celui-ci était en train d’exciter les fauves, et ce depuis un certain temps. Ses yeux s’écarquillèrent de manière presque comique, un « Mais qu’est-ce que vous fabriquez, vous êtes cinglé ? » lui échappant dans un souffle. Il ne cria néanmoins pas, sachant que cela ne ferait qu’empirer la situation. Son esprit se remit toutefois rapidement en marche. Anton n’avait pas survécu tous ces millénaires par ses simples pouvoirs, surtout ces derniers cirques. Jurant tout bas, il murmura : « Ce cirque n’est-il qu’une fourmilière d’assassins ? ». Mais pourquoi choisir cette manière pour l’éliminer ? Cela mettait visiblement le dresseur en danger. Quoique… Pas autant que lui visiblement, les fauves se détournant du détenteur du fouet pour se concentrer sur lui, feulant et grondant. Cela lui rappelait un peu trop les hommes jetés aux lions de l’Antiquité.

    L’heure n’étant plus à la réflexion, il se déplaça silencieusement et avec précaution derrière le dresseur, histoire de garder le fouet entre lui et les fauves pour le moment. Bien sûr, si l’homme avait vraiment l’intention de le tuer, il se pousserait vite fait, aussi cela ne constituait-il qu’une manière de gagner du temps. Il ne pouvait pas non plus dérober le fouet, un combat ne faisant d’eux que des proies parfaites pour les félins. Autant cela le satisferait-il toujours un peu plus d’emmener l’homme masqué avec lui dans la mort, autant il préférerait ne pas mourir tout court. Avec un soupir et la force de l’habitude, il retira vivement ses gants d’une main tout en récupérant la lame à son mollet. Déjà, ses mains suintaient de quelques gouttes de poison. Avec un grincement, il entama la peau de sa main, sachant qu’il lui faudrait agir rapidement une fois que les félins auraient senti le sang. Déjà ils se préparaient à attaquer. Heureusement que ses mouvements étaient fluides et rapides grâce à des millénaires d’entraînement. Extirpant deux mouchoirs de ses poches, il les badigeonna à la va-vite de son sang, les serrant fortement dans ses paumes de façon à les imbiber aussi du poison dont regorgeaient ses veines. Il se jeta de côté lorsque le premier félin attaqua, lui fourrant l’un des mouchoirs au fond de la gueule. Le temps n’étant plus à la furtivité ou à la lenteur, les fauves déjà bien assez énervés sur l’autre, il fonça sur l’autre, couteau dans une main et mouchoir dans l’autre. Cette fois, le mouchoir ne servit que de diversion, l’odeur de sang distrayant un instant le félin d’Anton, suffisamment longtemps pour que celui-ci lui plante son couteau à la base du cou. La lame avait touché son sang et était donc empoisonnée, mais par mesure de précaution, Anton maintint sa paume appuyée sur le pelage de la bête un instant. Il ne put éviter le dernier coup de l’animal, luttant jusque dans la mort, et il grimaça à la sensation des griffes sur sa cuisse.

    Haletant, il s’appuya un instant sur ses genoux, les deux bêtes ayant rendu leur dernier soupir, avant de se retourner brutalement vers l’homme. Son regard avait perdu toute l’innocence et la joie d’être à un spectacle de cirque, ne laissant que rage, une pointe de douleur… Et était-ce de la fatigue ? Son poing partit avant même qu’il n’eut le temps de réfléchir à son acte… Et sa peau nue effleura, ou heurta ? Le masque, l’envoyant immédiatement dans un tourbillon de visions. Elles le laissèrent essoufflé, yeux écarquillés, la rage éclipsé par un tumulte d’émotions appartenant à une autre époque, une autre scène.

    « Toi ? Mais comment… » Il balbutia, ses visions l’ayant probablement laissé trop longtemps dans un état inoffensif et à découvert face à quelqu’un qui voulait le voir mort.
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MessageSujet: Re: La raison mystérieuse. La raison mystérieuse. Icon_minitimeMar 21 Juin - 19:19

    Il n’avait pas prévu de mourir aujourd’hui. Cependant la présence de son adversaire lui importait plus que sa survie en cet instant. Il ne pouvait pas le laisser s’échapper, il devait accomplir sa mission qu’il aurait dû faire des années plus tôt ! Ses collègues allaient probablement lui demander des explications, pour avoir fait fuir tout un public et mis en péril l’existence de leur peuple aux yeux des démons et des humains. Mais il avait fait tout son possible pour que cet évènement passe pour un malheureux incident. Quoiqu’il en soit, il ne pouvait pas laisser filer l’homme qui avait manqué de le tuer. (Ah oui au fait, j’ai repris la troisième personne.) Nerό ressentait encore toute la sensation de douleur, de paralysie et d’impuissance qui l’avait plaqué au sol ce jour-là. Un vide béant dans son esprit, une peur bleue serrant son ventre, et la vie qui le quittait lentement… Jusqu’à ce qu’une pluie vienne humidifier son front, son corps, et que l’eau lui donne le courage de lutter en attendant qu’on le retrouver et qu’on le guérisse. Lui aussi portait des gants. Il avait horriblement chaud mais il se montrait bien trop prudent. Et même s’il suait, il ne voulait pas laisser une seule parcelle de sa peau dépasser, au risque de toucher celle de cet empoisonneur. Il ne pouvait pas se le permettre, pas une deuxième fois. Il avait encore l’impression de se mesurer à une entité, et commençait à se demander si tel n’était pas son destin, de se battre avec l’homme qui revêtait, pour lui, le manteau de la mort.

    Stoicheìo avait passé sa vie auprès d’une troupe de cirque, qui ne lui apprit qu’à respecter ses supérieurs et comprendre les éléments. Comme les nymphes sont proches de la nature, il avait l’illusion de communiquer avec les éléments. Foutaises probablement, mais il était en tout cas persuadé que l’eau avait un effet bénéfique et secret sur lui. Psychologique ? L’élémentaliste n’avait jamais quitté les siens. C’était une clause qu’il devait respecter. Il ignorait ce qui lui arriverait s’il les fuyait, et ne souhaitait pas le savoir. Peut-être en avait-il le droit, peut-être pas. Son éducation stricte et violente lui avait ôté toute envie de quitter cette troupe, alors qu’il y avait vécu les pires jours qu’un homme puisse vivre. Une étrange ironie qu’il suivait sans la comprendre. Et s’il ne mettait pas toujours le doigt sur ses véritables envies, il tentait en revanche de comprendre ceux des individus qu’il devait tuer. Lorsqu’il enquêtait sur un ennemi, il tentait de lui parler, de faire semblant de le comprendre et surtout de l’écouter, afin de savoir quel sera le meilleur moyen de le tuer. Car l’aquatique ne voulait jamais rien laisser au hasard.

    Il aurait pu s’armer de son fusil à lunette avant de venir. Il possédait également un silencieux qui aurait été parfait pour l’occasion. Mais sa combinaison de cuir ne lui permettait pas de cacher une arme en son sein. Il avait songé à se droguer afin de pratiquer le rituel habituel et de changer d’élément, mais son comportement aurait alors énervé les bêtes. Étrange comme les fauves réagissaient extrêmement mal lorsqu’il était dominé par le feu. Il avait son fouet, seule arme qu’il pouvait tolérer dans ce chapiteau sans que personne ne soupçonne ses intentions. Par chance, Anton l’avait suivi jusque dans la cage. S’il avait refusé, Nerό aura probablement choisi un autre individu et serait parti à la recherche de sa cible une fois le spectacle terminé. Il aurait peut-être prié un peu pour que l’enfant qu’il aura amené au centre ne se fasse pas dévorer par le jeune puma. Même dociles, ils n’en restaient pas moins des félins et même le maître ne pouvait les dominer totalement. Il avait un avantage de par ses connaissances et son influence sur les fauves qui avaient l’habitude de le côtoyer, cela ne voulait pas dire qu’il ne risquait rien. L’élémentaliste s’était enfermé avec ce tueur non sans une certaine crainte. Ce n’était pas de la peur pure, mais une inquiétude au sujet de ce qu’il adviendra de ce combat. S’il se faisait tuer par l’empoisonneur, cela voudrait dire qu’il n’aurait jamais dû survivre à leur premier combat. Qu’il aura eu un moment de répit imprévu de quelques milliers d’années.

    Les prédateurs montrèrent les crocs. Leurs yeux menaçants étaient à la fois admirables et craintifs. Devant la peur qui les animait et qui les rendait agressifs, Nerό ne put s’empêcher de les comparer à la créature de la brume. Lui aussi devenait dangereux, lorsque sa vie était menacée. Le fouet bien en main, il se tourna lorsqu’Anton passa derrière lui, détestant l’idée d’avoir à tourner le dos à l’un d’eux. Il n’avait pas la situation en main. Il ne l’avait pas depuis qu’ils avaient pénétré dans cette cage. Mais il devait prendre ce risque en son for intérieur, alors que la salle se vidait de toute présence. L’entité face à lui s’énervait, l’insultant de manière bien légitime vu ce qui lui arrivait. Nerό constata qu’il se souvenait bien du cirque, à la différence qu’il n’avait pas encore compris qu’il faisait face à un fantôme du passé. Alors il l’avait bel et bien cru mort. L’aquatique l’avait également cru. Il ne put répondre à cette accusation, trop concentré à exciter les bêtes et à s’écarter pour qu’elles prennent l’autre individu pour cible. Tandis que le puma s’était déjà rué sur Anton, l’homme chassait l’ocelot en claquant son fouet sur le sol. Le félin préféra s’attaquer à celui qui avait fait du mal à sa partenaire, signant ainsi son arrêt de mort. L’élémentaliste grimaça en voyant s’écrouler ses deux armes vivantes, se disant que son adversaire n’avait peut-être rien perdu de sa force. Il aurait dû essayer de le connaître, obtenir bien plus d’informations sur lui pour savoir comment le vaincre. Le poison qui coulait dans les veines de Niflheim était toujours aussi fatal qu’avant. Il recula mais se prit tout de même le coup de poings qui le démasqua ouvertement.

    Stoicheìo recula brusquement jusqu’à sentir les barreaux de la cage derrière lui. Il affronta le regard d’Anton en face et profita de sa surprise pour essuyer le sang qui coulait d’une de ses narines. Il attrapa de son autre main celle de son élève, qui avait déjà dirigé la clé vers la serrure. Il ne devait pas ouvrir la cage ! Il ne fallait pas laisser s’échapper le plus gros des prédateurs, maintenant qu’il avait enfin réussi à l’avoir !
    « Non ! » s’exclama-t’il sèchement en repoussant son apprenti d’un bras à travers les barreaux, « Va t’en, emporte la clé, et dégage d’ici c’est un ordre ! »
    L’élève afficha un air effaré, regarda tantôt son maître tantôt l’ennemi de son maître, puis il se mit à courir pour sortir du chapiteau. Stoicheìo fit de nouveau face à son adversaire, se demandant vraisemblablement comment il fera pour le vaincre. Même s’il n’y parvenait pas, Anton était enfermé ici… Il avait réussi à le piéger sans avoir préparé son coup à l’avance. Tout s’était fait naturellement, et grâce à la joie de vivre de la créature en face de lui. Comment un type qui tuait sans vergogne pouvait apprécier les activités pour enfants ? Ce n’était pas tant sa cruauté qui surprenait Nerό, car ce dernier n’était pas mieux, mais son naturel à appréciait les bonnes choses alors que l’élémentaliste, lui, restait toujours sombre et sérieux. Il l’enviait presque…

    « C’est la deuxième fois qu’on me demande de te détruire. Va falloir arrêter les conneries, Niflheim. » grogna-t’il en se surprenant lui-même à vouloir se justifier auprès de son adversaire. D’ordinaire il ne prenait pas cette peine, tuait et repartait annoncer sa victoire. Là, c’est presque comme s’il en était désolé… alors qu’il ne l’était pas. Il gardait le fouet dans sa main mais ne l’utilisait pas. C’est presque comme s’il n’osait pas s’avancer pour l’attaquer le premier. Stoicheìo était face à la lame d’un couteau qu’il ne devait surtout pas quitter du regard. Mais le plus grand danger résidait surtout dans les mains de son ennemi. Il tira sur ses gants de cuir, sur ses manches, il s’assura bien que seul son visage était nu. D’ailleurs il s’étonna que dans son attaque, Anton ne l’ait pas empoisonné via la face. Il a eu de la chance, cette fois… mais ça ne durera peut-être pas. L’élémentaliste ne put s’empêcher de jeter un coup d’œil sur les tristes cadavres de ses deux numéros de cirque. Il ne s’agissait que de félins apeurés qui avaient tentés de défendre leur vie. Ces fauves la méritaient probablement plus que le maître, qui les avait lâchement envoyés à leur mort sans leur laisser le choix. Il ne s’attristait pas sur leur sort mais se disait qu’ils étaient morts pour rien, si ce n’était une blessure sur la jambe de leur assassin.

    Comment se battre sans toucher son adversaire ? Il ne maniait le fouet que pour faire du bruit sur le sol, il n’avait jamais frappé quelqu’un avec d’après ses souvenirs. De plus, il savait que s’il essayait, Anton aurait tôt fait d’attraper le bout et de lui voler l’arme. Il voyait plus le fouet comme un outil d’étranglement, ce qui lui semblait déjà bien plus efficace. Le problème n’étant pas de trouver comment l’attaquer, mais quand. Parce qu’il n’arrivait pas à faire un seul pas en avant. C’est comme si le visage puissant de son interlocuteur l’enrageait autant qu’il le tétanisait. Il savait que si l’autre attaquait, il retrouvera le courage de se défendre. Mais en attendant, il ne pouvait s’empêcher de le dévisager comme s’il le découvrait une deuxième fois. Comme si lui aussi apercevait un fantôme. L’élémentaliste remonta l’écharpe qui encerclait sa gorge jusqu’à sa bouche, qu’il dissimula à l’intérieur. Il accrocha le fouet à l’un des crochets de sa ceinture pour se libérer les deux mains, puis il s’avança. Et quoi, frapper son ennemi jusqu’à épuisement ? Se venger du sort qu’il lui a offert il y a bien longtemps ? Le tuer salement ou se faire tuer ? Il n’avait aucun plan mais ne pouvait plus faire demi-tour, maintenant. Quelque chose l’empêchait de lancer son poing à son tour. Ce n’était non pas l’odeur de sang qui s’était faufilé jusqu’à ses lèvres et dont il goûtait à présent, c’était quelque chose de plus immatériel. Comme une force qui entourait Niflheim et qui l’intimidait horriblement. Il mourrait d’envie de l’approcher, mais … ce n’était pas pour le frapper. Il voulait l’étudier, l’observer encore plus longtemps et lui parlait, mais aucun son ne sortait de sa bouche. Il était dans une sorte d’état de transe où aucun son en dehors de la cage ne pouvait l’atteindre. Mais il décida de ne pas éterniser ce moment. Il ne voulait pas laisser l’occasion à son vieil ennemi d’attaquer le premier, alors il fonça dessus. Plutôt que de le frapper, il lança ses mains sur les poignets d’Anton dans l’espoir de les lui attraper, les lui écarter et empêcher ses mains de le toucher. Il savait bien que les doigts de l’entité n’étaient pas ses seules armes puisque c’était tout son épiderme qui était dangereux. Mais Stoicheìo ne s’attend pas à ce que son adversaire lui roule une pelle pour le mettre par terre, à la Poison Ivy ! (En un peu moins sexy mais plus dangereux.) En plus, à côté, Stoicheìo était bien petit, quand même. Il était plus frêle également, préférant se battre avec un pistolet ou ses pouvoirs plutôt qu’avec ses poings. Et face à une créature qui a une expérience bien plus longue que lui, il sentait qu’il n’allait pas faire long feu.

    « T’aurais dû me tuer Nibelheim, parce que cette fois je lâcherais pas l’affaire. » lança-t’il surtout pour se donner du courage, parce que maintenant la proximité était vraiment très étroite... Qu’il le regardait dans le blanc des yeux… Qu’il avait cette étrange sensation de désespoir, comme s’il regrettait de vouloir sa mort tout en se persuadant qu’il le faut. Comme si les pouvoirs d’Anton n’y étaient pour rien dans son malaise, et que seule sa présence avait la faculté de faire grossir la boule pressante et étouffante au creux de l’estomac de l’élémentaliste. Mais pourquoi cette faiblesse face à cette cible ?

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MessageSujet: Re: La raison mystérieuse. La raison mystérieuse. Icon_minitimeVen 24 Juin - 7:48

    Etrange comme la simple découverte de son véritable adversaire le déboussola à ce point. Certes il l’avait cru mort, mais pourquoi la vérité rendait le simple fait de déglutir difficile ? Le coup de poing d’Anton n’avait pas uniquement dévoilé l’identité de son attaquant, mais également son visage. Les yeux bleus qui lui avaient semblé si familiers le fixaient de nouveau, et brusquement il se retrouvait projeter des millénaires auparavant. Maudite soit sa mémoire, superposant à ce regard celui d’un homme mourant par sa faute. Des siècles à tenter de chasser ce souvenir, à se battre contre son propre pouvoir à se remémorer l’évènement, revenaient le frapper plus sûrement que n’importe quel coup qu’aurait pu lui asséner l’assassin. Et il venait de le blesser, encore une fois. Pourquoi devrait-il regretter de l’avoir frappé ? Ne faisait-il pas que défendre son existence ? Sa colère n’était-elle pas justifiée ? Alors pourquoi, pourquoi cette honte de ne pas accepter son destin et la mort ? Et pourtant, jamais il ne pourrait se résoudre à simplement abandonner. Dans quelques millénaires peut-être, lorsque même sa joie de vivre se serait épuisée, gratter jusqu’à l’os par la monotonie d’une existence trop longue.

    Son regard se posa à nouveau sur son ennemi, sursautant presque en constatant que l’apprenti était revenu. Ceci n’aurait jamais dû le surprendre, n’aurait pas pu s’il ne laissait pas atteindre aussi durement par… Quoi ? La haine, la colère ? Autre chose ? Dans le regard du dresseur. Non pas qu’il ne puisse comprendre de tels sentiments adressés à son égard, surtout de la part d’un homme qu’il avait failli tuer. Ciel, lui-même l’avait cru mort ! Mais au lieu de trouver en son cœur une agressivité similaire, il ne ressentait que fatigue, et un tumulte d’émotions qu’il ne voulait même pas tenter d’analyser. Car quoi que son âme, s’il en possédait bien une, lui dicte de faire, il ne pouvait simplement pas se le permettre. L’heure n’était pas à la réflexion ou au sentimentalisme, mais bien à la survie. Alors il soupira, effaçant de son esprit tout ce qui n’avait pas trait à ses instincts de conservation. Son regard de nouveau féroce croisa celui de l’apprenti, pas encore, non pas encore, prêt à affronter celui de son maître. Il observa avec un détachement presque étrange l’homme fuir, emportant avec lui son seul espoir de sortie. Bah, il reviendrait. N’avait-il pas déjà désobéi une fois ? Il ne possédait pas encore cette capacité à réfléchir sans que ses émotions ne viennent perturber la route qu’il s’était choisi. Sans doute cela avait-il été le cas de l’élémentaliste lorsqu’on lui avait confié la mission de tuer Anton. Ce dernier n’aurait-il pas dû être le plus expérimenté de tous, dénué d’états d’âme ? Ayant déjà tué pour des raisons incompréhensibles, beaucoup le gratifiaient de « fou » ou « d’impitoyable ». Ah ! S’ils savaient ! Au fond, il n’était pas mieux qu’un animal, ne connaissant que la mort pour mettre fin aux menaces envers sa personne ou ceux qu’il chérissait.

    Le dresseur éprouvait-il de tels besoins, ceux de protéger, de chérir ? Ou était-il enfin devenu cette machine soigneusement créée afin de tuer sans remords, sans état d’âme ? Etrange comme cette pensée tiraillait le cœur d’Anton d’une manière qui aurait dû être de la peur mais ne ressemblait hélas pas à celle de mourir. Oh, comme son adversaire se rirait de lui s’il savait comme il avait hanté les songes de sa proie. Pas souvent, mais suffisamment pour ne pas lui permettre d’oublier, plus sûrement que sa mémoire décuplée ne l’en empêcherait jamais. S’il apprenait que sa présence troublait celui qu’il devait tuer plus que par la surprise de le voir en vie, comment réagirait-il ? Sans doute en profiterait-il pour lui arracher son dernier souffle, achevant ce à quoi il n’aurait pas dû échouer il y a bien longtemps. Alors Anton s’efforça de redevenir celui qu’on attendait de lui : cinglé, impitoyable. Toute son intention se focalisa entièrement sur celui qui se refusait de le laisser en paix, ignorant la main se refermant sur sa gorge sans merci. Enfin celui-ci prit la parole, et Anton se félicita de s’être déjà recomposé tant sa voix le perturba de nouveau, sa langue passant sur ses lèvres seul marque de son malaise.

    « C’est la deuxième fois qu’on me demande de te détruire. Va falloir arrêter les conneries, Niflheim. »

    Ceci arracha un sourire à la créature de brume pour la première fois depuis le moment fatidique où le masque était tombé. Mais il n’avait rien de joyeux, ne se composant que d’un léger retroussement du côté droit de ses lèvres, narquois et cynique à souhait. Qu’est-ce que ses « conneries » pouvaient bien faire à l’homme en face de lui ? Cela ne lui offrait-il pas un contrat de plus ? Il appréciait néanmoins l’ironie de la leçon de morale, acceptait le rôle de méchant sans sourciller. Si cela permettait à son ennemi de dormir sur ses deux oreilles le soir, tant mieux pour lui. Mais en le voyant le fixer ainsi, qui aurait cru qu’il eut besoin de quoi que ce soit pour le réconforter de ses meurtres ? Non, cela ne devait être qu’une marque de dédain vis-à-vis d’un homme qui tuait sans but précis pour ce qu’il en savait. Comment pourrait-il connaître les raisons qui le motivaient ? Pourquoi cela l’intéresserait-il ? Mais Anton refusait de se justifier, de céder aux sentiments tourbillonnants qui le rendaient presque malade. Mais malade de quoi ?

    « J’avais oublié que l’argent est une raison nettement plus honorable de tuer… » Répondit-il d’un ton dénué d’émotions, s’étonnant presque lui-même du calme que recelait sa voix et de la touche narquoise qu’il était parvenu à y ajouter. Au moins cette simple rencontre ne lui ôtait-elle pas tous ses talents acquis en plusieurs millénaires, juste sa capacité à séparer survie et sentiments dénués de raison. Au moins était-il parvenu à ne pas complètement se justifier, se contentant pour le moment de les ramener au même niveau. Quoi qu’en dise l’assassin, il n’était pas mieux que lui. En un léger haussement d’épaules, il ajouta, cynique comme toujours, « De toute façon, n’as-tu pas l’intention d’en finir avec ma misérable petite existence ? Tu n’as donc pas à t’en faire pour mes conneries futures. » Il n’ajouta pas que s’il ne parvenait pas à le tuer, c’était qu’Anton l’aurait assassiné lui-même. Le résultat serait le même : mort, l’avenir de son ex-proie ne le concernait plus en rien. Etrange comme son cœur ne trouvait de soulagement dans aucune des solutions. Comme il aimerait pouvoir marcher loin de cette cage, loin des meurtres, des batailles, des complots ! Tout oublier, ne plus à avoir à croiser l’assassin, enfouir ces sensations de malaise, cette boule au creux du ventre qu’il ne pouvait expliquer. Il voulait retourner chez lui, voir un ami, se balader, laisser le vent le mener là où ses souvenirs lui seraient enlevés. Enfin.

    Il soupira de nouveau, ne parvenant pas vraiment à effacer toute lassitude de son expression. Lassitude qui ne fit que s’accentuer en voyant son ennemi s’assurer de ne pas laisser dépasser la moindre parcelle de peau. Oui, il devrait à l’instant se jeter sur lui, sur son visage à découvert et laisser le poison de ses veines mettre à terme à toute cette idiotie. Pourtant il ne ressentait qu’amertume, submergeant presque ce qui s’éveillait en lui chaque fois que son regard se posait sur le visage de son adversaire. Tout désir de se battre l’avait quitté, et pourtant sa vie était à ce prix. Toujours l’égoïste, prêt à sacrifier tout et n’importe quoi pour le simple bonheur de profiter un peu plus longtemps de ce que la vie avait à offrir. Parfois, il aimerait être comme ces créatures si âgées que le monde ne leur apportait plus rien, ne vivant que par habitude, parce qu’elles ne connaissaient rien d’autre. Alors il n’aurait rien éprouvé à l’idée de mourir ici. Au lieu de cela, le temps n’avait fait qu’exacerber les sentiments de la chimère qu’il était, acceptant chaque cicatrice infligée par la vie comme une bénédiction.

    Ainsi il tentait de détacher son regard de l’homme en face de lui, comme si cela lui permettrait de retrouver quelque combattivité. Mais chaque fois que ses yeux s’en détournaient, il ne pouvait s’empêcher de jeter un coup d’œil à autre chose. Ses mains gantées, comme lui, leur façon de tenir le fouet, le foulard, les cheveux, les yeux… Il aurait pu se frapper de frustration, maudissant de tout son cœur celui qui lui avait parlé de ce cirque. S’il était sincère avec lui-même, il se doutait qu’une telle situation aurait fini par se produire. Il avait un contrat sur sa tête, une rencontre était inévitable. Mais ici, dans une cage, aucun d’eux ne bougeant, plongé dans l’observation de l’autre ? Cela ressemblait bien trop à un scénario de mauvais film à son goût. D’ailleurs, pourquoi est-ce que le dresseur n’attaquait pas ? Anton était visiblement immobile, blessé, armé uniquement d’un couteau et de sa peau. Il n’avait pas eu d’état d’âme à jeter des fauves sur lui, alors pourquoi ? Peut-être craignait-il cette créature en face lui, tuant férocement afin de repousser l’échéance de son dernier souffle, l’homme qui avait presque réussi à en finir avec lui à leur rencontre précédente… Oui, cela n’avait rien d’étonnant qu’il prenne ses précautions. Et pourtant, pourtant… Anton aurait aimé que cette hésitation naisse des mêmes interrogations que les siennes, non pas de la méfiance et de la détermination à finir ce qu’il avait à faire.

    Enfin, l’assassin se décida à agir, rangeant son unique arme au profit de ses poings. Mais ce n’est pas cette menace qui attira l’attention de Anton, mais plutôt le fait qu’il couvrit son sa bouche. Il réprima le besoin de s’avancer et de descendre de nouveau le foulard, mécontent qu’on arrache à sa vue une partie du visage qui le troublait tant. Mais il n’eut pas à faire un pas, l’autre se jetant brusquement sur lui. Il leva vainement les mains, s’attendant à recevoir un coup et à ce que le combat reprenne. Mais ce furent ses poignets la cible de cette attaque, probablement en une tentative de maintenir hors d’état de nuire le poison de sa peau. Etrange comme ce n’était pas ces mains refermées sur lui qui le maintinrent immobiles, mais plutôt la brutale proximité, le bleu étincelant plongé dans ses propres yeux d’un azure bien différent. Il déglutit, difficilement, réprimant le besoin de se dégager et de mettre un terme à tout cela, comme de se rapprocher un peu plus, rien qu’un peu…

    « T’aurais dû me tuer Nibelheim, parce que cette fois je lâcherais pas l’affaire. »

    De nouveau ce sourire amer étira les lèvres de la créature, allumant presque son regard d’une lueur… malicieuse ? Triste ? Difficile à dire. Il se contenta de hausser les épaules, ou du moins d’ébaucher le mouvement en vue de la prise sur ses bras. Et pourtant rien ne venait. Pas de coup, d’attaque, de cris ou de sang, rien que le poids du regard de l’assassin sur lui. Cette fois l’étirement de sa bouche se fit quelque peu plus sincère, autant qu’il puisse l’être au vu de leur situation. « Et bien vas-y, tue-moi. » Provocation ? Pas vraiment. Ce n’était qu’un énième rappel désespéré de sa raison que ce qui l’attendait s’il ne réagissait pas était la mort. Sans échappatoire cette fois. Alors en une dernière lutte entre volonté et sentiments, son genou se leva brusquement, frappant l’homme au creux de l’estomac. Sans se laisser le temps de cogiter son acte, il libéra dans un même temps ses poignets, avant de plaquer l’homme sur la grille, l’avant-bras en travers de sa gorge et l’autre main maintenant l’un de ses bras immobiles. Dans la lutte, il avait abandonné son couteau au sol, comme si son inconscient était parvenu à remplacer la menace d’une lame sur la gorge par celle de la pression d’un bras. Et maintenant ? Encore une fois, il se trouvait arrachée à toute volonté de tuer. Pourtant, comme il aurait été simple de porter sa main nue au visage de son adversaire ! Mais il n’en fit rien, de crainte de ne faire qu’effleurer la peau au lieu de l’empoisonner, et de perdre tout contrôle de ce qu’il ne souhaitait même pas comprendre. Il planta son regard dans celui de l’homme qu’il ne parvenait tout simplement pas à considérer comme son ennemi, la lassitude brusquement claire sur son visage. Et ses yeux… Ils recelaient le même trouble qui habitait son cœur depuis le début de l’entrevue, enfin parvenu à la surface. Il laissait tomber le masque, rien qu’un peu, dans l’espoir futile que cela frappe son adversaire comme cela l’avait touché, lui. Idiot n’est-ce pas ?

    « Je suppose que si je t’épargnais, tu refuserais de me laisser en paix, même si je faisais le mort histoire que tu es ta récompense ? » Son ton, léger, détonait avec le désespoir sous-jacent de sa demande. Sa pression sur la gorge de l’élémentaliste se faisait moins forte, son corps même se rebellant à l’idée de s’en prendre à lui. Si l’autre répliquait, attaquait, sans doute se battrait-il enfin, l’instinct de survie ressurgissant toujours. Mais ainsi ? Opposé à la force du regard d’un souvenir, à la proximité de ce corps plus faible qu’il aurait pu briser mais ne souhaitait qu’épargner ? Il ne voulait que le laisser partir, ou bien l’enfermer dans une boîte qu’il emmènerait avec lui, à l’abri des jugements et de ses émotions.
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MessageSujet: Re: La raison mystérieuse. La raison mystérieuse. Icon_minitimeVen 24 Juin - 9:09

Encore une fois, il avait tout foiré. Il aurait été tellement plus facile de tendre un bon piège à cette créature tombée d’elle-même dans la gueule du loup. Venir dans ce cirque, venir directement dans le repaire d’un homme que l’on pense avoir tué des milliers d’années. Même si Stoy était effectivement mort, c’aurait été dangereux ! Qu’est-ce qui avait bien pu pousser cet ancêtre à revenir dans ce territoire connu qui lui était pourtant hostile ? L’élémentaliste avait la conviction de devoir le tuer. Il avait appris à être sûr de ses actes sans pour autant se poser de questions. C’est toute son éducation qui était derrière lui, ne pas chercher à savoir. Laisser de côté sa curiosité de côté pour n’apprendre que ce qui pourrait lui être utile pour son devoir. Pourquoi avoir été enlevé ? Quelle créature était-il avant de devenir élémentaliste ? Y’a-t-il d’une autre vie que celle-là ? Pourquoi maltraitons-nous les élèves ? Pourquoi un cirque ? Pourquoi sommes-nous à la fois libres et piégés ? Toutes ces questions qui lui avaient été ôté de l’esprit par bourrage de crâne. Il n’y songeait plus, il se disait qu’il n’avait pas à y penser et cela lui paraissait NORMAL. Tout comme le fait de devoir tuer des « méchants » au profit d’être bénéfiques lui paraissait NORMAL. Alors dans toute cette normalité, il n’avait pas de question à poser. Il se contentait d’accomplir son devoir. Il aurait fait un excellent soldat à l’armée. D’ailleurs il savait très bien comment il était. Il savait très bien que sa manière de penser en aurait révolté plus d’un. Mais il ne cherchait pas à savoir ni à changer, puisqu’il trouvait son comportement « logique ».



Et pourtant, cet individu en face de lui tentait moralement de lui soumettre toute une série de questions qui, heureusement pour Nerό, n’arrivaient pas à passer la barrière qu’il avait érigé pour les bloquer. Mais il les entendait cogner, et s’il les refoulait encore, il ne pouvait en empêcher une seule prendre le dessus et s’insinuer en lui comme une évidence : « Pourquoi se posait-il des questions maintenant ? » Ce n’était pas tant les souvenirs du passé qui le perturbaient autant, mais plutôt ce blocage qui l’attaquait à chaque fois qu’il croisait le regard dur de Niflheim. Et il sut qu’il avait touché le fond lorsqu’il se surprit à vouloir se justifier, à vouloir prétendre qu’il ne faisait que son travail. C’était bien la pire chose qu’il puisse dire. À la fois de mauvaise foi, et qui le trahirait énormément. Décidemment, son ancien ennemi lui donnait plus de fil à retordre qu’aucun « méchant » ne lui en donna jusqu’à présent.



Le sourire d’Anton le perturbait. Qu’est-ce que ça voulait dire ? Il semblait tellement confiant, et ce sourire mystérieux mettait Stoicheìo mal à l’aise. Il commençait à regretter de ne pas s’être drogué, parce qu’il aurait peut-être su quoi faire sous l’influence de cette substance mortelle. Peut-être aussi se serait-il davantage enfoncé en dévoilant des choses que lui-même n’acceptait pas. Devant la réponse de la créature de la brume, il ouvrit la bouche mais se retint à temps. Un peu plus et il aurait blablaté pour sa défense, comme quoi c’était pour sauver des vies qu’il faisait ça. Non seulement ce n’était pas le cas, mais en plus il n’aurait fait que tomber dans ce qui était selon lui un piège pour le déstabiliser. S’il était incapable de répondre correctement, il savait en tout cas qu’il ne faisait pas ça pour l’argent. La preuve, c’est que le commanditaire actuel devait lui fournir deux magnifiques tigres blancs. Mais si l’élémentaliste acceptait les contrats, c’était uniquement « parce qu’il devait le faire ». Parce que c’était un travail « pour lui ». Point. Après, s’il s’assurait – ou se persuadait – que sa victime était toujours une personne malfaisante, on pouvait toujours penser que c’était pour se donner bonne conscience ou pour se donner un genre.

« Au moins, c’est une raison. » finit-il par dire doucement, ne parvenant pas à trouver une confiance qui le ferait sourire comme Anton. De toute manière lorsqu’il était sérieux, et non shooté, il était difficile de le faire sourire.



« De toute façon, n’as-tu pas l’intention d’en finir avec ma misérable petite existence ? Tu n’as donc pas à t’en faire pour mes conneries futures. »

Un ange passe. Bien sûr qu’il avait l’intention d’en finir ! Bien sûr ! Il lui suffisait de... d’être… d’avoir… Non. Stoicheìo préféra ignorer cette remarque parce qu’il n’avait pas le courage d’affirmer qu’il le tuera. Il savait que cela ne ferait que le rendre plus ridicule s’il n’y parvenait pas. Il détourna son regard un court instant avant de se reprendre et de faire comme s’il n’avait rien entendu. C’était tellement facile de fuir quelques phrases ! Pour penser à autre chose, il dériva son esprit sur le cirque et espéra que numéro six – son élève – soit partit se planquer quelque part et n’aie pas l’intention de revenir. Imaginez un peu qu’il revienne en libérant tous les fauves et à dos d’éléphant pour secourir son maître ? Pitoyable. Le combat – si on pouvait réellement appeler ça un combat – s’éternisait bien trop. Aucun des deux ne souhaitait faire le premier pas. Mais pourquoi ? Stoicheìo avait son excuse, celle de s’être pris une magnifique branlée la première fois, pour faire son prudent aujourd’hui. Mais Anton ? Pourquoi ce dernier ne s’avançait-il pas ? Il pouvait lui lancer son couteau, lui sauter à la gorge, tenter de le frapper… Il risquait probablement moins à déclencher les hostilités alors pourquoi est-ce qu’il ne faisait rien ? Cela ne présageait rien de bons aux yeux de Nerό, qui commençait à ne pas se sentir très bien. Il laissa dériver son regard sur la salle en espérant voir ne serait-ce que l’ombre d’un seau d’eau. Il n’y avait rien, mais en tant qu’élémentaliste il éprouvait le besoin d’être en contact avec son élément dominant lorsqu’il se sentait mal comme maintenant. Avec l’eau, il pouvait même calmer ses quelques crises d’asthme. Oh bien sûr tout était psychologique, et il le savait. On ne savait pas trop s’il y avait quelque chose de magique là-dedans, parce que tout ce bien être qu’il ressentait avec l’eau pouvait très bien n’être que dans sa tête. L’esprit avait un pouvoir incroyable sur le corps, disait-on. On lui avait persuadé depuis tout petit que tant qu’il serait dans son élément, il sera saint de corps et d’esprit. Il sera invulnérable, confiant et capable de beaucoup. Il ne savait pas s’il y croyait vraiment, mais il savait en tout cas que si on le lâchait au milieu d’un océan, il se noierait comme tout le monde.



Et Anton, comment procédait-il ? Quel était son but ? Son point de rattachement, car il devait forcément en avoir un aux yeux de Stoicheìo. Quelque chose sur quoi s’appuyer. Ne serait-ce qu’une idée, une conviction, une personne ? L’élémentaliste n’avait que ce cirque. Ce cirque n’avait pu le tourner que vers les éléments. Pourtant, il était persuadé que si le chapiteau et l’eau disparaissaient de sa vie, il continuerait de vivre. Encore une fois, il se maudit de se poser toutes ces questions, et en présence de son ennemi qui plus est. Tout ce qu’on lui avait rentré dans la tête, et de la manière la plus violente et humiliante qui soit, il le faisait avec ses élèves. De la même manière qu’un père qui bat son enfant ne fait qu’apprendre à ce dernier comment maltraiter le sien plus tard. Peut-on parler de maltraitance lorsque l’enfant est consentant ? Le regard de Nerό se posa involontairement sur la blessure d’Anton. Comment une entité comme lui pouvait saigner ? Il fixa la plaie. Ce si grand « dieu » avait été touché par un fauve. Là où le dompteur avait échoué, son puma avait réussi. Il se sentait comme Echidna avec sa chimère, dans les mythes grecs qui bercèrent son enfance. Si ça lui semblait plus simple de s’en prendre à Niflheim, il avait l’impression désagréable de ne pas en être capable. Le fait de couvrir machinalement sa bouche de son écharpe était un automatisme qu’il avait acquis et qui s’enclenchait à chaque fois qu’il portait une écharpe. Mais ici, c’était peut-être par peur d’humer un poison qui se dégagerait de cet homme. Non pas un poison comme celui qui parcourt sa peau, mais d’un autre type… Et peut-être dix-fois plus dangereux. C’était pour ériger une barrière devant ses lèvres, comme si l’écharpe allait filtrer ses paroles pour ne laisser sortir que ce qui irait dans le sens de son « devoir ». Comme une protection qui l’empêcherait de faire une bêtise qu’il pourrait très amèrement regretter.



Après lui avoir presque immobilisé les poignets, il tenta une menace pour se redonner du courage. La vérité c’est qu’il avait le souffle coupé, étant si prêt de sa cible. Et il se retrouva heureux d’avoir remonté son écharpe, le cachant alors qu’il se mordait durement la lèvre inférieure. Il ne respirait plus mais il ne s’en rendait même pas compte. Il sentait presque à travers ses gants, la chaleur qui se dégageait des poignets d’Anton. Et soudainement, il eut l’envie irrésistible de vérifier s’il y avait cette même chaleur sur son torse également. Mais il n’en fit rien bien heureusement, grâce à la douleur qui surgit en serrant sa lèvre entre ses dents. Une goutte de sang, et il reprenait ses esprits. Non vraiment, il avait bien fait de remonter son écharpe. Le sourire que lui affichait Niflheim était pour l’élémentalise carrément flippant. Mais pourquoi souris-tu ? avait-il envie de lui hurler. C’était tellement sérieux et cette esquisse de lèvres rappelait à Stoicheìo qu’il ne contrôlait rien du tout de la situation. I le fixa dans le blanc des yeux sans réussir à s’en décrocher. C’était impossible, pour lui. Et pour fuir cette torpeur qui donnait la chair de poule à son dos, il tenta de se dire que s’il avait un peu d’eau avec lui, ça irait mieux. Oui. Voilà. Tout allait mal parce qu’il n’avait pas d’eau ! Il n’était pas sincère avec lui-même parce qu’au fond de lui, il savait que c’était n’importe quoi. Mais s’il ne trouvait pas une explication, aussi farfelue et fausse soit-elle, il deviendrait fou. Ce sourire était une mise au défi, il l’avait bien compris. Il lui demandait s’il aurait le courage d’aller jusqu’au bout de son entreprise. « Bien sûr que je vais te tuer ! » lui répondait son regard furieux. Quoi qu’il ait décidé de faire par la suite, il ne put pas le mettre en œuvre. Si d’ordinaire un coup pareil coupait la respiration de ceux qui les prenaient, c’eut l’effet inverse sur l’élémentaliste. Il retrouva son souffle et se rendit compte en haletant que cela faisait un bon moment qu’il l’avait retenu ! Le coup de genou le plia en deux, le fit lâcher à grand regret les poignets de son ennemi, mais débloqua le mur invisible qui empêchait l’accès de l’oxygène à ses poumons.



Ce fut un répit pourtant de courte durée. Car la place du dominant s’échangea entre eux deux, et le dresseur se retrouva coincé contre la grille. Maîtrisé comme un enfant. Ah bravo l’éducation des élémentalistes. On leur apprend à faire joujou avec le feu, mais quand il s’agit de donner des coups de poing, il n’y a plus personne ! Son souffle fut de nouveau coupé mais cette fois, c’était par la faute d’un avant-bras serré contre sa gorge. Il sentait les barreaux durs presser contre la capuche de cuir de sa combinaison. Son dos protestait contre l’inconfort de cette cage et il tenta de remuer un peu. Un grondement se fit entendre non loin de lui. Non, c’était même tout proche. Comme quelqu’un qui tapait à rythmes rapides sur un gong. Mais… il n’y avait pas de gong dans le cirque. Il ne s’attarda pas là-dessus, plus préoccupé par les deux mains d’Anton. Il savait que ce sera la fin lorsqu’il en verra une s’approcher de son visage. Ou bien remonter l’une de ses manches pour toucher sa peau. Le grondement se fit plus fort. Anton avait le dessus. Sa vie entre les mains d’une créature de la brume et pourtant, sa première pensée, fut de se dire qu’il voyait son adversaire dans toute sa splendeur… comme autrefois. Sa gorge se desserra, et l’air passa de nouveau. Il pouvait respirer, et il ne s’en priva pas, haletant bruyamment comme l’asthmatique qu’il était et qui luttait pour ne pas faire une crise d’asthme. Le grondement se faisait moins bruyant, et ce fut à son tour de déglutir. Il était comme tétanisé, à l’aguet. Il avait une main de libre et la gardait prête à attraper celle d’Anton qui tenterait de mettre un terme à toute cette mascarade. S’il semblait moins attaché à la vie que son adversaire, il ne voulait pas mourir… Pas maintenant. Pas là, face à Anton, pas comme ça, aussi stupidement… Les grondements prirent une ampleur presque assourdissantes à ses oreilles.



Pourquoi son ennemi semblait si hésitant ? L’élémentaliste ne comprenait pas. Depuis le début, il n’avait rien compris. Pourquoi est-ce qu’il n’était pas déjà mort au juste ? Vu la manière dont lui-même s’était comporté depuis qu’Anton avait mis les pieds dans ce cirque, on aurait pu croire que Stoicheìo n’attendait que ça, qu’il le tue.

« Je suppose que si je t’épargnais, tu refuserais de me laisser en paix, même si je faisais le mort histoire que tu es ta récompense ? »

Dans le genre répliques qui tuent et auxquelles on ne s’attend pas, Anton battait les records avec une seule question. S’il l’épargnait ? Il avait l’intention de l’épargner ? Les grondements s’apaisèrent. Stoicheìo n’avait pas imaginé une seule seconde une issue possible où les deux s’en sortiraient. D’ailleurs, ce n’était toujours pas le cas. Il ne pourra jamais le laisser partir ! Et puis faire le mort… C’était facile. Jusqu’à ce que le commanditaire se rende compte que le tueur de psychiatre n’était pas mort. La réponse était évidente pour lui. Il n’était certainement pas assez ouvert d’esprit pour accepter pareil marché. Cela allait à l’encontre de tous ses principes ! Alors il hocha la tête, conscient que cela signait peut-être son arrêt de mort. Il n’était pas fou au point de le provoquer mais pas assez sournois pour mentir et l’attaquer ensuite par derrière. L’élémentaliste détestait les trahisons.

« Si tu m’épargnes, et si je ne meurs pas là, je te poursuivrais. » avoua-t-il stupidement. Il avait l’un de ses bras maintenu par Anton. Sa gorge en était de même. Comprenant qu’il était temps de réagir, il tenta pour une fois de sauver sa peau et non d’attenter à celle d’autrui. Il remua son bras entravé et s’il ne pouvait bouger sa tête, posa sa main sur celle d’Anton pour l’inciter à lâcher sa gorge.

« C’est comme ça... » murmura-t-il sur un ton presque désolé. En fait il l’était vraiment mais devait faire passer ça pour une évidence. Comme quoi il ne pouvait rien y faire, que le destin en avait décidé ainsi et qu’ils ne pouvaient pas aller contre le destin.

« Même si tu sembles avoir changé depuis la dernière fois. » Anton avait enlevé un peu de son masque, et cela avait eu le même effet sur Stoicheìo. Par-là, il voulait dire que la créature avait perdu de sa puissance. En était-il de même pour sa cruauté ? Est-ce que l’élémentaliste, en tentant de lancer subtilement ce sujet, essayait sincèrement d’en savoir plus, de rendre sa mort plus douce ou bien de prolonger encore de quelques secondes sa vie ? Et alors que les grondements s’intensifiaient autour de lui, il se rendit soudainement compte qu’il ne s’agissait pas de grondements. Non, ces battements ne provenaient pas de l’extérieur. Il s’agissait de son cœur qui battait la chamade.
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MessageSujet: Re: La raison mystérieuse. La raison mystérieuse. Icon_minitimeVen 24 Juin - 10:27

Avait-il réussi à le troubler, rien qu’un peu, en l’accusant de tuer pour de l’argent ? Anton l’avait vu ouvrir la bouche pour ne rien dire. Comment aurait-il pu ne pas le voir, son attention était entièrement focalisée sur lui. Rien vous entendez ? Rien d’autre n’avait plus d’importance pour la créature en ce moment. Chaque jour de sa vie, il le passait à tenter de l’occuper, de le meubler par la présence d’autres personnes. Comment aurait-il pu seulement résister à ce fantôme de passé, celui qui était parvenue même dans son absence, dans sa soi-disant mort, à occuper l’esprit d’un être comme Anton ? Qui le poussait à se justifier sans raison, à tenter d’expliquer des actes que lui-même ne pouvait comprendre. Et pourtant son expression ne trahissait rien de ce tumulte, toujours ce même sourire en coin que son adversaire ne retournait pas. Mais même Anton, tout acteur expérimenté, menteur naturel qu’il était, ne put empêcher son visage de se durcir à la réflexion de l’assassin. « Au moins, c’est une raison. » Son sourire s’évanouit pour ne laisser place qu’à une moue sévère, si ce n’est amère. Comment osait-il juger de ce qui le poussait à tuer, sans rien savoir de lui ? Oh, il pensait le connaître ? Mais ce n’était pas le cas. Quoi qu’on lui est raconté, toute créature qu’il était, il ne tuait jamais, jamais, sans raison. Celle-ci ne comportait peut-être pas toujours de logique ou de bon sentiment, Ciel, il était le premier à reconnaître avoir commis sa part de crimes égoïstes. Mais il y avait toujours quelque chose pour le motiver, que ce soit la protection d’un être cher, la sienne, la vengeance…

« Tu ne connais rien, absolument rien de mes raisons. » Il parvint de justesse à empêcher sa voix de vibrer de colère, ne comprenant même pas pourquoi il se laissait autant atteindre par la réflexion d’un homme qui ne comptait pas pour lui. Jamais il n’attachait d’importance à ce que l’on pensait de lui, s’amusant même des mythes laissés sur son passage, lui inventant mille et un objectifs tous plus farfelus les uns que les autres. Au final, peu parvenaient à mettre le doigt sur ce qui le poussait à vivre. Pourquoi tous les grands personnages de romans n’existaient-ils que pour accomplir une destinée les dépassant ? Lui n’avait nul besoin de cela. Chaque jour il se trouvait une nouvelle raison pour continuer à avancer, sans répit, sans relâche, sans faillir. Lui était-il déjà arrivé de vouloir mettre un fin à cette existence ? Evidemment. Après tout, n’importe quelle légende, mais celle de la brume Niflheim, finit par atteindre une conclusion. Il avait vécu son lot de tristesse, de pertes tragiques, de grands amours comme de trahison. Mais il n’avait jamais abandonné, refusant de s’arracher lui-même le don qui lui avait été fait. Ceux qui le supposaient dénué de tous sentiments avaient tort. Souvent on imaginait qu’il parvenait à survivre, à agir comme il le faisait parce que son détachement n’avait d’égal que sa folie. Or, ils se trompaient tous. Chacune des décisions majeures de sa vie avait été dictée par ses sentiments. La raison et le détachement n’étaient qu’outils pour que ses émotions aboutissent. Voilà pourquoi il se montrait imprévisible. Nul ne saurait deviner quel sentiment va l’emporter chez un être comme Anton.

La remarque suivante d’Anton laissa un blanc, sans qu’il ne comprenne vraiment pourquoi. Il ne put réprimer le clignement surpris que lui arracha le fait que l’assassin détourne le regard. Avait-il honte ? Etait-il de ces meurtriers accomplissant froidement leur besogne mais ne pouvant supporter d’être mis face à leurs actes ? Etrange, il avait toujours été persuadé qu’il s’agissait de ce type d’hommes incapables de regarder leur cible droit dans les yeux, et utilisant pour cette raison des méthodes comme le sniper ou autres armes à distance. Or cet attaquant là le fixait bel et bien, leurs regards ne cessant de se croiser et de s’affronter. Ses réflexions le firent ricaner intérieurement. Voilà qu’il tentait d’élucider le mystère d’un homme qui voulait le tuer, alors qui lui reprochait justement de le juger trop rapidement. Quelle mouche l’avait piqué ? Il se serait presque pris pour l’une de ces héroïnes de romans à l’eau de rose, cherchant continuellement à découvrir ce que l’on pensait d’elles, leurs états d’âmes tellement… ennuyeux. Oui, les romans d’amour n’étaient vraiment pas sa tasse de thé, sauf exception. Surtout ces histoires d’unique amour. Il avait aimé, plusieurs fois même, et chacune avait certes était unique, mais aucune ne « battait » les autres en terme de sentiments. Peut-être était-ce parce que son existence se composait de plusieurs vies, lui permettant d’aimer de nouveau ? Après tout, quel droit avait-il de se comparer aux êtres humains, lui qui n’avait de l’homme que son apparence ?

Tout à ses pensées, son regard n’en restait pas moins attaché à celui de son attaquant, comme fasciné par ce que pouvaient bien dire les lueurs fugaces qui passaient dans ces iris céruléennes. Il suivit le regard de l’homme à sa blessure, qu’il avait presque oublié dans « l’émotion » du moment. Cela ne résumait-il pas toute sa vie ? Oubliant les souffrances de son existence au profit du tumulte de sentiments qu’il ne se laissait jamais de ressentir. Le sang avait presque cessé de couleur, mais pas tout à fait, la blessure probablement trop profonde pour s’arrêter aussi facilement. Il devrait aller faire un tour à l’hôpital quand ce serait fini, même s’il se contenterait probablement de sa propre trousse de soin de secours. Expliquer comment il s’était fait griffer par un fauve promettait beaucoup trop de maux de tête à son goût. Et pourtant il faudrait désinfecter, voir même recoudre un peu par endroit. Il avait de la chance qu’aucune artère importante n’ait été touchée. Il avait toujours été ainsi : chanceux. Commet décrire autrement quelqu’un qui avait survécu aussi longtemps ? Car aussi flatteur que cela pourrait être, il ne pouvait le justifier uniquement par ses pouvoirs ou son intelligence, loin de là. Il espérait simplement, sottement, que cette chance se prolongerait jusqu’à aujourd’hui, lui permettant de sortir de cette entrevue vivant sans aucune mort sur la conscience. Enfin, autre que celle des fauves évidemment.

Puis le « combat », si on peut appeler ainsi ces instants passés à se fixer, évolua lorsque l’assassin se saisit de ses poignets, tentant de l’immobiliser. La provocation d’Anton, ou ce qui passait pour telle aux yeux de son ennemi, ne reçut pas de réponse à voix haute. Au lieu de cela, un regard fulminant lui fut adressé. Ceci lui arracha un léger pincement au cœur. Evidemment qu’il n’avait pas les mêmes problèmes que lui à l’imaginer mort, pourquoi en aurait-il eu ? Il avait accepté ce contrat après tout, sachant visiblement à qui il aurait à faire puisqu’il l’avait choisi lui, dans le public. Et il se souvenait de leur rencontre. Pourquoi devait-il être le seul à se sentir tourmenté, déchiré ? Comme il avait envie, rien qu’une fois, de provoquer le trouble chez cet homme dont il ne connaissait rien ! De voir une réaction autre que la haine ou la colère à son égard ! Et cela ne faisait que le troubler encore plus, raison et sentiments s’affrontant de nouveau jusqu’à son genou vienne heurter son attaquant, libérant ses poignets et inversant la situation.

A présent, il se trouvait en situation de force. Or la force était tout sauf ce qu’il ressentait en ce moment. Il n’y avait en lui qu’une fatigue teintée de colère qui lui ôtait toute capacité à se décider. Tout ce qu’il voulait, c’était abandonner tout cela, quitter cette cage en oubliant à jamais cette entrevue. Non… S’il se montrait tout à fait honnête envers lui-même, ce qu’il désirait réellement consistait en la fin de cet affrontement. Auraient-ils pu être amis, dans d’autres circonstances ? Probablement pas. Alors pourquoi ce désir presque fulgurant d’arrêter tout pour ne faire que discuter, comprendre, apprendre ? Ce besoin urgent lui comprimant les entrailles de montrer qu’il n’était pas une créature du mal, que seuls les êtres vivants avaient de l’importance pour lui. Certes, il avait tué, mais ces meurtres ne naissaient pas de sadisme ou de la cruauté ! Par exemple, ce psychiatre qui avait marqué son départ d’Allemagne, n’était mort que parce qu’il avait tenté de violer un jeune homme cher à Anton ! Alors oui, ses réactions se dévoilaient régulièrement disproportionnées, égoïstes voir pétries d’orgueil ! Mais cela faisait-il de lui un être mauvais pour autant ?

Alors Anton posa cette question fatidique, ne s’attendant à rien et pourtant ne pouvant s’empêcher d’espérer. Au fond, il savait bien évidemment que l’autre n’abandonnerait pas. Pourquoi l’aurait-il fait ? Son hésitation ne naissait probablement que des souvenirs de leur précédente rencontre. Tous leurs face-à-face devraient-ils se finir ainsi ? Par la victoire de l’un sur l’autre ? Comme pour confirmer cette pensée, l’assassin hocha la tête. Un seul mouvement de tête suffit à briser un peu, rien qu’un peu le cœur d’Anton. Il lui semblait parfois avoir exploré toutes les facettes des sentiments humains, jusqu’à ce qu’un évènement lui prouve le contraire. Comme ce jour-là. La confirmation de leur inimité n’aurait certainement pas dû provoquer une souffrance comme celle-ci. Pas la plus puissante, ni même la plus dévastatrice, mais probablement la plus surprenante. Quelle emprise avait donc cet homme sur lui ? Pourquoi chacune de leur rencontre devait-elle avoir un effet fatidique sur la vie d’Anton ? Quand bien même il sortait d’ici vivant, son existence pourrait-elle reprendre le même cours ?

« Si tu m’épargnes, et si je ne meurs pas là, je te poursuivrais. » Ceci le fit redresser légèrement la tête, plongeant de nouveau son regard dans celui du dresseur. Ses yeux se firent plus tristes, plus insondables, comme si déjà il prenait la distance nécessaire pour commettre un acte irréparable. Pourquoi lui révélait-il cela ? Ne voyait-il pas qu’un simple mensonge aurait suffi pour sa libération, pour sa survie ? Pourquoi, Dieu pourquoi donnait-il le choix si simple et pourtant tellement dévastateur à un homme qui tenait sa vie entre ses mains ? Enfin, pourquoi poussait-il une créature déjà déchirée par son simple regard à l’admirer un peu plus. Le poing d’Anton posé près de la gorge de l’assassin se resserra presque convulsivement, toute trace de sourire ayant été complètement effacée de son visage. Adieu légèreté et confiance en soi, bonjour résignation. Le pire était qu’Anton ne se résolvait pas à mettre fin à tout ceci par la mort ! Il acceptait le fait de mettre de nouveau sa vie en danger en lui laissant la vie sauve. Des millénaires lui en avaient appris suffisamment sur lui-même pour qu’il sache une chose : il ne parvenait pas à aller à l’encontre de sentiments trop forts, comme ceux d’aujourd’hui. Son ennemi avait tort s’il pensait que le choix de sa cible devait se faire entre leurs deux vies. Anton ne raisonnait pas ainsi, loin de là. Non, il devait prendre une décision entre la souffrance apportée par la mort de son potentiel assassin, et celle de sa faire pourchasser par un homme le troublant autant, s’exposant à d’autres rencontres, d’autres déchirements.

« C’est comme ça... » Le léger murmure de son « prisonnier » le ramena à la situation présente. Il aurait presque souhaité le consoler, lui dire qu’il comprenait, acceptait même cet état fait. Puis il se reprit en main, encore une fois. Ceci n’était que l’énonciation d’une évidence, peut-être même de la pitié vis-à-vis d’un homme qui ne parvenait pas à défendre sa propre existence. Anton n’abhorrait rien autant que la pitié, et son poing se serra encore plus, laissant des demi-lunes sanglantes au creux de sa paume. Il lui semblait que cette situation n’était qu’une immense farce, la main de son ennemi posée sur la sienne. Bien sûr, il n’était pas effrayé de le toucher, portant des gants. Et pourtant, le contact de ses doigts sur les siens, même en travers du tissu, soulagea la pression de ses propres doigts sur sa paume, du sang gouttant légèrement. Nul poison dans ce sang-là, toute nécessité de tuer ayant quitté Anton depuis plusieurs minutes déjà. Ou était-ce des heures ? Le temps lui-même semblait lui jouer des tours, à la fois trop lent et trop rapide.

« Même si tu sembles avoir changé depuis la dernière fois. » Ceci arracha un nouveau sourire à la fois amusé et amer à la créature sans âge qu’était Anton. Changé, lui ? Pas vraiment. Toujours aussi incapable de tuer cette menace qu’autrefois semblerait-il. Devenait-il plus humain le temps passant ? Oui et non. Il pêchait moins par orgueil, mais hélas les millénaires l’avaient rendu moins prompt à valoriser la vie humaine. Même sur quelqu’un guidé autant par les émotions que lui le temps laissait sa trace. Il n’était pas devenu détaché de tout, mais les années ne pouvaient s’éculer sans imprimer toujours un peu plus leur marque sur son âme. La magie elle-même changeait, comment aurait-il pu rester le même ? Et pourtant, au fond, il était toujours le même : une créature hors de son temps, chez elle nulle part et à la fois partout, éternellement seule mais entourée de proches, condamnée à aimer et souffrir tout en sachant qu’elle n’aurait jamais dû exister. Chaque jour, chaque minute passant, il se rapprochait un peu plus des êtres humains, la puissance le quittant, tout en comprenant un peu plus que jamais il ne pourrait être comme eux. Trop différent, incompréhensible, imprévisible. En temps normal, cela l’amusait presque. Mais en face de quelqu’un comme cet élémentaliste, rien ne lui semblait plus important que de se faire accepter, enfin. D’avoir quelque chose à s’accrocher qui ne changerait pas selon ses humeurs et ses ennuis. Que sa vie trouve cette constance jamais, au grand jamais teintée d’ennui comme celle que seuls certains êtres semblaient connaître. Mais au fond, ce n’était probablement son destin, comme eux deux ne pouvaient être autre chose qu’ennemis.

« J’ai vieilli. Changé ? Peut-être, peut-être pas. Qui ne le serait pas en plusieurs millénaires ? » Il se doutait qu’au fond, le dresseur le pensait moins cruel qu’auparavant. Mais Anton était trop las pour se défendre, pour argumenter le fait qu’il ne l’avait jamais vraiment été. Qui était-il pour convaincre cet homme, persuadé d’agir pour le bien en l’éliminant ? Peut-être serait-ce vraiment le cas, qui sait. On lui avait probablement raconté tout un tas d’horreurs sur son compte, et comment lui reprocher de les avoir crus ? Tant de mythes narraient ses crimes. Certains d’entre eux étaient même probablement vrais. Mais jamais personne ne pourrait se targuer de les comprendre, pas même Anton.

Soupirant, il se redressa, aboutissant à une décision qui n’en était pas vraiment une. Ce n’était qu’une évidence à laquelle toute cette entrevue n’avait fait que mener. Destin ? Non, simplement les mille chemins possibles arpentés par les sentiments humains. « Puisqu’il doit en être ainsi… » Lui aussi murmurait à présent, comme si parler plus fort risquait de briser l’atmosphère installée. Il songea avec un sourire amer que seul lui devait la percevoir. Ne pouvant se résoudre à quitter tout de suite l’assassin, il leva la main n’appuyant pas sur la gorge de l’homme, posant délicatement ses doigts sur sa joue en une ébauche de caresse. Ses yeux sourirent de la même manière un peu triste et pourtant satisfaite que ses lèvres. « Tu ne devrais pas craindre mon toucher, il n’est pas que mortel. » Il prolongea le contact encore un peu, avant de relâcher toute prise. Puis, avec une violence surprenante au vu des derniers moments, son poing percuta la joue de son adversaire, sans que nul poison n’intervienne. « Je ne peux pas te permettre de te jeter sur moi directement. » Lui expliqua-t-il d’un ton navré. Encore ce besoin de lui faire comprendre. D’un mouvement tout aussi rapide, il se jeta sur l’apprenti qui venait tout juste d’ouvrir la porte, armé, tentant probablement de le prendre par surprise afin de secourir son maître. Comme prévu, il n’avait pas réussi à obéir. D’une torsion au poignet il le désarma, son autre main apposant quelques secondes à peine deux doigts au niveau de la jugulaire du jeune homme, lui envoyant juste assez de poison pour le paralyser quelques temps. Accordant un dernier regard à l’assassin, il partit d’un pas vif, ne pouvant se permettre qu’ils appellent d’autres élémentalistes à leur secours. Sans concession à son orgueil, il fuyait. Sa blessure le lançait, mais son cœur chantait sa joie d’avoir laissé l’autre en vie. Et surtout il se réjouissait, car quoi qu’il advienne, ils se reverraient.
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