Odeur de Poaceae. En effet, on pouvait remarquer la morphologie très particulière : herbacée, annuelle ou vivace à tige cylindrique creuse portant des nœuds, le chaume bien vert feuille, où se produisait le phénomène du tallage. Bref. De l’herbe. Du gazon. Une foutue pelouse à laquelle Félix arracha une touffe, en colère. En vain. La gigantesque haie épineuse et infranchissable n’en serait pas moins tangible. Une araignée, presque paisible dans sa toile, le narguait. Elle hurlait de rire en se trémoussant.

« Regardes toi, aussi bête qu’un nouveau qui s’embobine dans sa propre toile ! »

Félix ne lui répondit pas : il avait d’autres chats à fouetter. Il avait beau essayer toutes les logiques, tout les stratagèmes, ce labyrinthe dans lequel il semblait piégé n’avait pas de sortie. Il ferma les yeux et se concentra pour refaire mentalement tous les parcours qu’il avait accomplit jusqu’alors et dresser ainsi la carte mentale des lieux. Impossible : l’espace devait changer continuellement !

« Et si tu écoutais un peu plus ton cœur plutôt que ton cerveau, Félix ? »


Il fit signe au barman pour que celui-ci lui apporte un autre whisky. Peu importait l’endroit, peu importait les convenances. Peu importait son boulot à l’école de magie où il n’avait plus remit les pieds depuis un temps indéterminé. Peu importait les gens qui devaient l’attendre, inquiets … personne ne l’attendrait, non, il connaissait personne. Adam … il ne pouvait pas revenir devant Adam comme ça, sans explications. Ou du moins, sans pouvoir lui dire toutes les conclusions auxquelles son expérience de voyage astral l’avait conduit.

Le verre de whisky passa cul sec. C’était pratique l’alcool : il n’y avait plus à réfléchir. Plus qu’à se laisser aller.


Démons. Senteur de souffre ou d’œuf pourris qui se promenait encore loin mais se sentait à des kilomètres. Alors comme ça, eux aussi étaient de la partie. Félix allait s’en donner à cœur joie. Enfin, il allait pouvoir se défouler et exprimer la rage qui l’animait, comme jamais il ne l’avait relâchée. Et c’est dans un combat endiablé qu’il réalisa alors sa dépendance : le combat était le seul instant où il laissait aller ses émotions et encore … que de façon contrôlée. Il n’avait pas de vie.

« Tu n’as pas de vie ! » Hurla l’araignée en s’écroulant de rire.

Des larmes naquirent tandis qu’il se battait. Et quand il ne resta plus que cendres de ses agresseurs, il cru entendre une voix familière qui lui pinça étrangement le cœur.

« Tu n’as pas de vie, Félix … »

… Jared ?


Un troisième verre. Ca passait tout seul …

Mal famé, crasseux, débordant d’ordures et d’être abjects … Les établissements comme celui-ci souffraient d’une très mauvaise réputation lors des diner mondains des hautes sphères de la société. Et pourtant, les hommes veufs, divorcés et célibataires, rongés par un passé douteux, qui étaient les premiers à cracher sur ces coins d’ombres et de luxures étaient aussi les premiers à s’y plonger jusqu’au cou … Et lui était là, coincé entre une chaise et un bar sur lequel trainait un verre de whisky, le troisième de la soirée, après avoir passé des jours, si ce n’était des mois, dans une transe magique … sans bouffer, à jeun.

Bourré, torché, déchiré … bah c’était pas drôle. Mais au moins, ça soulageait. Ah, les effets de l’alcool. Substance toxique aux effets si nombreux. Passe-muraille de la barrière héma-encéphalique cérébrale, jonglant entre les astrocytes et les oligodendrocytes, s’associant subtilement aux récepteurs GABAénergétique, à la sérotonine ou à l’acétylcholine et parallèlement, jouant avec la dopamine sans remords. Voilà le pourquoi du comment c’était le planage. Même îvre, Félix arrivait encore à penser aux formules moléculaires de ces ligans.


Les yeux clos, essayer de faire le vide. Entrer dans cet endroit n’avait pas été difficile. Une petite potion de sa composition dont il se souvenait encore jusqu’au gramme près de chacun des composants (soit environ deux centre trente-six), une formule qu’il avait mis cinq jours à élaborer et un cercle magique, fruit de deux semaines de recherches. Une facilité presque déconcertante pour celui qui pensait devoir mettre au mois six mois à trouver la façon de faire. Alors il suffisait surement de méditer un peu pour reprendre phase avec la réalité … tout ceci n’était que factice, se répétait-il sans cesse. Mais cette sotte d’araignée ne lui rendait pas la concentration facile …

« Tu réfléchis trop, petit chaton Félix ! Tu ne sais faire que ça, hein, qu’as-tu fais d’autre dans la vie ? »

Il avait explosé des démons et rêvait de faire pareille avec cette sale bête. S’il échouait, il se promettait de mettre son plan à exécution. Concentration … Mais pourquoi cela ne fonctionnait-il pas ?! Quand allait-il rentrer chez lui et reprendre sa pauvre vie de …

« Bête ? Tu n’est qu’une bestiole Félix : un puceron qui ne fait que manger, survivre, et mourir ! »

Qu’avait-il d’autre dans la vie. Il refoula au plus profond de lui-même une vague de peine. Dans le labyrinthe, il se mit à pleuvoir.


Félix n’était pas en état de réaliser que le bar était fermé depuis un bon moment. Après tout, il avait à peine vu les corps qui s’agitaient devant lui tandis qu’il buvait, les yeux fixé sur la surface légèrement réfléchissante du bar qui lui renvoyait son reflet, misérable qu’il se trouvait. Et pourtant, même en se comportant comme le dernier des ivrognes, il s’était fait mater presque toute la soirée. Il ne s’en était pas rendu compte. S’il se gardait de lever la tête, c’était aussi parce qu’il avait vu un pompier-chien qui lui avait évoqué de drôles de sensations. Gêne, colère, et … frissons étranges, se battaient en lui. Une gorgé de whisky plus tard, et ça allait mieux.

Cool, un troisième offert par la maison. Stratégie commerciale minable sensée dorer l’image de l’établissement mais qui passait surtout pour un bon cirage de bottes. Des fragments de cours sur le markéting, abordé lorsqu’il étudiait la psychologie, lui revinrent en tête. Il les chassa d’un grognement, qui servait aussi de merci.

Quand il entendit un grincement. On aurait presque dit une craie sur une tableau, tant cela semblait dissimuler du plaisir. Félix leva la tête, voyant encore étrangement net malgré le taux d’alcool qu’il devait avoir sans son sang d’affamé, et rencontra les yeux de Jared. Il lui sembla qu’une bonne femme venait d’attacher une pince à linge sur son cœur comme s’il s’agissait d’un vulgaire fil à la noix. Riche en oméga 3. En triglycérides aussi. Et en fer.

Il lui lança un sarcasme. S’il lui avait manqué ? Non bien sûr. La pince qui lui étouffait le cœur, c’était de la rancœur, du dégout … absolument pas les souvenirs de leur dernière bataille, si présent dans son esprits, et le gout de sa bouche, et la saveur de ses lèvres, et son souffle chaud, et la chaleur de son corps d’Appollon et … racine carré de huit cent seize ? Vingt-huit virgule cinq six cinq sept un trois sept un quatre un sept un trois neuf neuf neuf neuf un neuf neuf sept cinq neuf neuf deux quatre cinq quatre six neuf …

« Ca te plairait hein ? T’as du te sentir seul pendant tout c’temps … » renchérit-il, cinglant.

Lui en tout cas …

« Tes bijoux de famille marchent encore ? » attaqua Félix.

Un autre avantage de l’alcool était son effet libérateur d’acétylcholine et de sérotonine. Deux hormones sympathiques aux effets relaxants qui, associées à la dopamine, hormone du plaisir et de la récompense, trompaient tous les alcooliques. Comme Félix. Détaché de la situation qui lui paraissait irréelle, comme s’il n’était toujours pas sorti de sa transe magique. Comme si le Jared en face de lui n’était encore qu’une chimère que son esprit tordu avait inventé de toute pièce. Il ne serait pas si parfait. Enfin, si machiavélique, violent et … bref. Il était pourtant bien réel.

Après tout ce temps, la vieille querelle qui les opposaient avait quand même refait surface. Cette espèce de haine réciproquement partagée à tout heure du jour et de la nuit, qui donnait lieu à des batailles d’ordinaires plus nobles que leur dernière fois, était-elle encore vraiment, intégralement au rendez-vous ? Peut être bien. Félix ne pouvait en être certain. Et là, c’était le drame. Lui, qui d’ordinaire avait confiance en ses capacités et ses connaissances, là, il ne savait pas. Et sa récente confiance démolie ne l’aidait pas. Mais pourquoi lui faisait-il cet effet là ?!

Alors oui, il venait effectivement se bourrer la gueule dans un endroit qui était, contrairement à ce qu’il entendait fréquemment, loin d’être insalubre, mal famé et remplis d’ordure. Oui, il était seul et avait l’allure du type qui plonge ses problèmes dans un verre à whisky pour les oublier. Oui il avait l’air d’un minable, sa chemise blanche au col ouvert sur un jean aussi sombre que les deux légers cernes qui lui décorait le visage. Mais là, il venait d’être accompagné …


Dans le labyrinthe, la pluie tombait en cordes. Trempé de la tête aux pieds, Félix était comme pris d’une peur panique inexplicable. Cette eau incessante qui dégoulinait d’un ciel pourtant toujours blanc l’effrayait davantage que la source elle-même des enfers. Il courait, glissait, se fracassait la tête par terre, mais se relevait et réitérait. Derrière lui, l’araignée s’était transformée en corbeau et croassait allègrement en riant de son malheur.

« Il va falloir apprendre à cesser de fuir Félix … pourquoi le noir t’apeure-t-il tant ? Aurais-tu peur d’être noir au fond de toi ? »

Félix voulait lui crier de se la fermer, mais son sang glacé le maintenait muet. Il se contenta de se retourner pour lui adresser une vague télékinétique sans succès. L’oiseau de malheur ricana de plus belle et scandait ses phrases avec une joie non dissimulée. Félix tomba. En se relevant, il croisa un miroir qui le représentait, l’œil vil, une aura maléfique l’enveloppant. Et soudain, le miroir se brisa. L’aura était alors en train d’apparaître auprès de lui.

« Est-ce vraiment uniquement la connaissance qui t’attire du côté obscure, Félix …? »


Félix se leva après le crachat de Jared. Il approcha son visage à quelques centimètre de celui de son éternel ama…ennemi, et le dévisagea sans l’once d’une crainte, une sorte d’assurance fictive s’affichant sur son visage, comme si l’alcool n’avait pas eut de prise sur sa détermination. Il devait reconnaître la beauté de Jared, mais se flagella intérieurement sitôt fait. Il prit alors une fois à la fois douce et dure, à mi-chemin entre la voix vive et le murmure.

« Non, ça ne m’intéresse pas, c’est juste histoire de savoir s’il faudra serrer plus fort la prochaine fois … » Souffla-t-il.

Il eut un léger rictus mais ne s’écarta pas de Jared. C’était presque comme s’il le voulait mais qu’il ne pouvait pas. Ou l’inverse. Ou les deux. Mais Jared s’écarta de lui-même pour se resservir. Il posa la bouteille sur le bar, comme une invitation à la débauche. Félix eut un petit rire suite aux paroles de Jared.

« T’as donc tellement envie que je pense à toi … ne viens pas me dire que je ne t’ai pas manqué ! Car si je t’embêtais tellement, tu ne serais pas venu m’offrir un verre, mais tu m’aurais foutu dehors …  » Déclara Félix en regardant attentivement le moindre geste, la moindre parcelle du corps de Jared se hissant de l’autre côté du bar. Ils étaient désormais du même côté. Du même côté …

Félix attrapa la bouteille et posa ses fesses sur le comptoir, comme si sa nouvelle position lui permettait de dominer Jared en le regardant légèrement de haut. Il but une gorgée au goulot, sans gène, comme une provocation ouverte, mais pas encore pour une bataille physique. Il jouait avec l’électricité ambiante entre les deux véritables charges électriques qu’ils étaient. Désinhibé.

« J’pourrais toujours m’en aller, mais le gardien a fermé la porte à clef … » Chuchota-t-il en approchant son visage de Jared, tous les muscles tendus, comme s’il redoutait une attaque.

Il était maléfique, susurrait une petite voix à son oreille. Il était maléfique et quoi qu’il arrive, il le resterait. Oui, mais lui, Félix, qu’était-il au juste ? Nulle petite voix ne lui fit le cadeau d’une réponse. Ah c’était commode ça, que d’avoir une schizophrénie sélective ! Autant boire alors, pour faire taire tout être n’étant pas foutu de parler quand on le lui demandait. D’autant plus qu’il était bon se whisky, même s’il donnait légèrement la tête qui tourne.

Et pourtant, la situation, l’environnement peut être ou … Jared. Oui, c’était surement Jared qui le dynamisait à ce point. L’alcool s’en tenait à son rôle de désinhibiteur, tandis que Félix ressentait cette adrénaline, hormone de l’attention et du danger, qui infusait dans ses veines plus puissamment que le plus terrible des poisons. Jared qui le rendait aussi confiant, d’apparence. Jared qui l’éveillait de sa torpeur alcoolique. Jared qui rendait sa vie digne d’être vécue. Hm.. Il n’y avait aucune perception émotionnelle, non … c’était juste qu’à part l’approcher - pour le frapper ! - Félix ne faisait rien d’autre de nommable dans sa vie !

Néanmoins, l’idée de Jared égorgeant le dernier ivre de son bar, comme sous le simple désir de combler une pulsion meurtrière l’attristait, même s’il ne voulait pas l’admettre. S’il avait été bénéfique, peut être que tout aurait été moins compliqué, qu’ils auraient été amis et … Non. N’importe quoi. Même bénéfique, Jared aurait été victime de sa haine fougueuse. Et c’était tout. Non mais ! … Pas même un peu d’am… ?

Comme pour le punir d’avoir presque pensé, un point musculeux vint s’écraser sur son visage ce qui le catapulta derrière le comptoir. Heurtant le mur, une demi-douzaine de bouteilles se laissèrent choir sur le sol, explosant en milles morceaux de verre scintillants et projetant leur contenu comme des fusées de feu d’artifice. Félix, shooté, calcula en un éclair la vitesse de quelques gouttes effectuant des trajectoires remarquables. Il s’attendait à cette attaque. Mais quand même … Jared n’y était pas allé de main morte …


Il avait beau courir, encore et encore, tendant d’échapper à cette noirceur qui l’enveloppait peu à peu, inextricablement, il ne faisait à peine que de retarder l’instant où le noir s’attacherait définitivement à lui. Et plus l’inéluctable lui martelait l’esprit, plus Félix sentait que sa course était inutile et qu’il ferait mieux de s’interroger sur ce phénomène. Mais pourtant, la panique l’empêchait de saisir toute logique malgré son cerveau soit disant si brillant …

« Tu ne comprends rien Félix ! L’esprit ne brille pas toujours de raison : il lui arrive de n’être que folie, et seuls les fous jouissent d’un esprit en harmonie avec eux-même ! » Ricana le Corbeau, goguenard.

Félix chuta une nouvelle fois sur le sol. Il s’arrêta pour soufflé, épuisé. Quand une autre voix bien connue résonna à son oreille.

« Tu dois être ouvert à tout. Tout ce qui est à tes yeux pure divagation humaine, même les religions, doivent s’ouvrir à toi. Peu importe la logique ou la crédibilité, la magie se fiche éperdument de différencier le vrai du faux. Elle se base simplement sur celui qui l’appelle. Si tu te met à croire en des choses qui sortent de la réalité, alors la magie te suivra, et se matérialisera de manière beaucoup plus précise que tu ne le pense. » {Otthran Eos, N’as-tu pas peur ?}


Félix se redressa lentement, rendu malhabile par l’alcool qui avait rejoint l’adrénaline dans ses veines. Il manqua de glisser sur la flaque incolore, résultat d’un mélange d’alcools forts. Mais il posa ses mains sur le comptoir, face à Jared. Il le lorgna d’un œil hargneux. L’autre s’obstinait à rester inexplicablement doux.

« Tu veux t’amuser ? Ok … j’espère que t’aime le grand huit ! » Lança Félix.

D’un geste de la main rendu presque nonchalant par l’éthanol, le sorcier balança Jared dans les airs. Alors qu’une fois le maléfique tombé, il voulu recommencer, il manqua sa cible et des tables ou des chaises se mirent à virevolter dans tous les sens. Félix s’interrompit. Pourquoi n’avait-il pas ressentir cette joie théoriquement familière lorsqu’il envoyait paître un démon ? Au fond de lui, deux émotions semblaient se faire la guère. La première, le plaisir de se venger en frappant Jared. La deuxième … une forme inconnue de culpabilité due à … de l’affection ? Pour les tables et les chaises du bar sans doute …

Félix grimpa négligemment sur le comptoir du bar pour chercher Jared des yeux. Il but une gorgé de whisky de la bouteille miraculeusement intacte et sentit soudainement qu’il avait chaud. Un autre effet de cette putain de substance. Complètement désinhibé, il défit les boutons de sa chemise, histoire de mettre plus de sa peau en contact avec l’air ambiant … qui était loin d’être très frais …

« T’es où Jared ? Ca te plait de jouer à cache-cache ? Et à moi, qu’est-ce que tu me dois, hein ? » Cria Félix à travers la pièce en se massant la mâchoire encore un peu douloureuse. Où était Jared ? Le cœur de Félix battait un peu trop pour que cela ne soit qu’une crainte d’être frappé de nouveau …

Il y avait un truc pas normal. Jamais le sorcier n’avait eut de problème pour viser. Jamais la télékinésie ne lui avait fait défaut. Pas une seule fois il n’avait manqué sa cible avec autant d’écart comme ce soir là. Et qu’il ne prenne par la pénombre comme excuse, ni le fait qu’il soit tard. Certes, l’alcool y était pour quelque chose. Un peu. Beaucoup. Carrément. Mais peut-être était-ce également la cible qui était en cause …

Entre deux gorgées de Whisky, Félix balançait son regard entre les tables en désordre à la recherche de sa proie. Mais il ne voyait rien dans ce fichu club. Et l’alcool n’aidait pas. L’alcool, l’alcool, l’alcool … il avait bon dos ce con d’alcool. Mais c’était fichtrement bon. Le goût, comme cette extraordinaire faculté de rendre un tant soit peu heureux et léger. Provisoirement.

Jared lui répondit dans l’ombre. Il avait l’air jovial, amusé, presque heureux. Etrangement, Félix réalisa qu’il était capable de percevoir ce contentement. Il était pourtant persuadé de ne pas le partager complètement. Une vague idée le traversa sur la potentialité d’un nouveau pouvoir mais elle ne persista que quelques fractions de secondes dans son esprit embrumé. Non, il ressentait surtout de la douleur aux petites coupure qu’avait provoqué les éclats de verres, et un cœur qui battait un peu trop vite …


Il s’était comme réveillé de nouveau, au beau milieu de la pelouse. En face de lui, un serpent le toisait d’un air penaud, moqueur et jouait à le menacer de ses crochets. Félix se redressa, essayant, une fois vaine de plus, de comprendre ce qui se passait. En tout cas, rien, absolument rien, ne se produisait comme il l’avait prévu. Le but de cette manœuvre était de chercher des réponses. Et plus il progressait, plus ses certitudes s’envolaient pour laisser place à de nouvelles questions existentielles. Une question sans réponse était pour lui plus insupportable qu’un plat succulent jeté dans une poubelle inaccessible pour un crève-la-faim.

« Quand est-ce que tu te décideras à laisser parler ton âme, Félix ? » Siffla le serpent.

Félix le regarda d’un air interrogateur.

« Qu’est-ce qui te fais peur, tout au fond de toi ? » Susurra-t-il.

Félix se mit à réfléchir quand le serpent lui mordit violement la main. Un sang vif, rouge et chaud coula à flots. La bête se plaça sous le jet et pris peu à peu une toute autre forme. Devant lui se tenait désormais une copie conforme de Félix.

« C’est donc toi qui te fais si peur, Félix ? » Grogna-t-il.

Félix recula vivement, en tenant son poing ensanglanté, réprimant la douleur qui le pourfendait comme un poignard empoisonné. L’autre Félix le regarda un instant, puis éclata d’un rire machiavélique. Puis, une lueur verdâtre l’enveloppa. L’autre Félix devint alors Jared.

« La vie est un ouragan, et dans ton cœur, c’est le chaos … tu veux que j’y mette de l’ordre ? » Ricana Jared …


Félix désespérait presque de ne pas voir Jared ressurgir. S’il ne l’avait pas entendu à l’instant, il aurait presque pu craindre de l’avoir tué. Oh mon d… enfin, c’était pas l’idéal de le tuer … ici … dans un bar … parce que … si on l’avait vu, on risquerait de le soupçonner de meurtre et … il aurait du mal à prouver que … que … qu’il avait tué Jared parce qu’il était maléfique. Oui. C’était pour ça qu’il s’inquiétait.

Ainsi, sentir soudain ses mains attrapées par un Jared plus en forme que jamais lui fit un mélange complexe de réaction. Plaisir de le voir en vie, peur de se faire tuer sous peu, joie de continuer le combat, peine de continuer le combat … Il ne se défendit pas du mieux qu’il pu, comme si ce contact avait quelque chose de magique. Hm. Oui, Jared lui avait peut être lancé un sort ! Oui, surement. Ce n’était pas la peau de son torse désormais collée à son dos, ni la senteur de Jared tout contre lui, ni la chaleur de son corps, ni la beauté de sa voix qui l’émouvait autant … Mais quel sort lui avait-il jeté ?!

Et soudain, ce fut -mieux- pire encore ! Une véritable onde de chaleur le secoua de part et d’autre. L’envie d’un baiser s’imposa dans son esprit. Il était pétrifié, en proie à tellement d’émotions différentes qui fusaient de toute part, et semblaient avoir deux origines qui pour certaines étaient communes. Il aurait presque pu penser qu’à cet instant, on le réveillerait et il aurait l’amère sensation d’être arraché à un rêve. MAIS IL N’ALLAIT PAS RÊVER QU’IL EMBRASSAIT JARED QUAND MÊME ?!

Jared s’éloigna en téléportant et mit ainsi fin à son tourment, son délice et sa torture. Félix, déséquilibré par ce soudain départ tomba, l’alcool ne l’aidant par à se rattraper, sur le comptoir dans un premier temps, puis il dégringola sur le sol en s’agrippant tant bien que mal à une chaise du bar. Il se redressa maladroitement et fusilla Jared d’un regard bien trop pénétrant pour être de la haine pure.

« Qui est-ce qui a peur du contact rapproché ? Avec quelle magie joues-tu, Jared ? » Murmura Félix.

Ses émotions se défoulaient encore, incompréhensibles, et l’envie du baiser était encore là à le hanter comme un spectre maudit. Il lui tournait autour, ce fantôme, l’obsédait presque comme un chat regarde la mouche qui le nargue. Et au bout d’un moment, l’attrape. Assez, s’en était assez, trop ! Il se rua sur Jared.

« A QUOI EST-CE QUE TU JOUES BORDEL ?! » Hurla-t-il en s’emparant de son col.

Il avait envie de le secouer jusqu’à ce que sa tête se déboite de son corps. Il avait envie de le massacrer à coup de pied et de poing. Il voulait le propulser contre un mur et le voir exploser littéralement. Il l’aurait tué, ressuscité, étranglé, réanimé, cloné et il aurait tué tous ses clones. Mais la seule chose qu’il espérait vraiment c’était de se serrer encore une fois contre lui, pour sentir à nouveau la chaleur de son corps et la sensation tellement rassurante d’un autre cœur qui bat près de soi … Leurs visages étaient à quelques centimètres, la haine comme seul masque pour leurs âme tourmentées.

Spoiler:

Deux paires d’yeux qui se plongeaient l’une dans l’autre. Rage, colère, force et énergie Une puissance incomparable, inexplicable, inextricable. C’était l’inéluctable qui prenait les commandes de leur destin. Car c’était une finalité revêtue de divin. Il n’y avait rien qui puisse contrer ce flot presque magique Seul le néant pouvait y mettre fin, en signant par là, la fin même de l’entièreté du monde. C’était incompréhensible, cette tendresse, ce désir, cet am… affection qui le saisissait soudain.

Alors que Félix menait l’assaut, il s’était figé, comme sous l’effet d’un vif poison. Cette paralysie n’avait duré que le temps d’un battement de cœur. Un clignement des yeux de Jared. Et soudain, les mains de son ennemi serrèrent les siennes avec vigueur tandis qu’emportés par l’élan, ils rencontraient le mur. A cet instant encore, c’était la haine qui avait le dessus.

Puis, ce fut le chaos. Un château de cartes qui s’écroule comme sous l’effet d’un courant d’air. Mais le vent soufflait tant et si bien que les cartes s’envolaient et virevoltait, prises dans une tornade, un cyclone, une tourmente. Roi de pique et As de cœur. Sept de trèfle et valet de carreau. Joker. Les émotions fusaient, explosaient, bombardaient de toutes parts. A tel point qu’il était impossible pour Félix de les distinguer chacune les unes des autres, ni même de dire qui d’entre eux les ressentaient. C’était un aller-retour permanant, comme si, à cet instant plus qu’à tout autre, lui et Jared voyaient leur âme se rapprocher à la limite de la fusion. Comme s’ils se haïssaient eux-mêmes en s’aimant profondément. Se haïr pour mieux s’aimer. S’aimer ? Non … non ! NON !


Le serpent s’enroulait désormais autour de son bras, comme une écharpe, un bracelet. Sa voix qui fut pourtant l’araignée et le corbeau lui venait désormais de la tête, mais ne semblait pas fusionner avec ses pensées. C’était comme une nouvelle horizon qui était née en lui. Une horizon qu’il avait si souvent repoussé jusqu’aux limites et au dela de sa conscience.

« Et si tu acceptais l’irraisonnable ? Et si tu acceptais d’aimer ? Et si tu perdais un peu l’usage de la raison pour t’autoriser de vivre ? Et si tu allais au-delà de tes valeurs que tu t’es construit pour te protéger du danger qu’est de ne pas anticiper, contrôler, réfléchir ? Et si … tu vivais enfin ? »

Comme un hypnotisé, Félix s’avança vers le Jared qui lui faisait face. Lentement, sans aucune pensée, il fit se rejoindre leurs lèvres. Et il savait qu’était là, la sortie du labyrinthe …


C’était presque la déconnexion. Une partie, logique, verbale, raisonnable de sa psyché s’obstinait à s’indigner de la situation, à lui ordonner de frapper Jared, de le tuer même pour mettre fin à cette déferlante émotionnelle. Mais la vague était trop forte. Et s’il luttait, il se noyait, et signait par là même sa propre mort. Ce n’était pas un choix entre la déchéance et la mort. Ce n’était même pas un choix. C’était une destinée. Une volonté que seules les convenances et un risible sens de l’orgueil empêchait d’accomplir.

C’est le mur qu’il sentit contre son dos, avec violence, mais son âme était bien trop accaparée pour qu’il en perçoive la douleur physique. Ses mains enchaînées à celle de Jared, cet organisateur du putsch qui renversa son cœur, écartées de lui malgré ses membres raidis, paralysés. Un instant de répit où rien, pas même le souffle d’une respiration, le soulèvement d’une poitrine, le son d’un murmure ne vint rompre la magie du silence. C’était presque le calme, paradoxalement au désordre qui régnait au sein d’eux.

« Tu es… ma… proie. » fit-il, presque avec difficulté.

Oui. Félix était sa proie. Cela n’avait jamais été le contraire. Et cela ne serait probablement jamais autrement. C’était ainsi que les choses devaient se faire, ainsi qu’elles se feraient et ainsi qu’elles continueraient. Mais quelle proie était-il ? Relevait-il du comestible, d’une cible à pulsions meurtrières, éphémères malgré leur régularité, où d’un tout autre domaine, une cible d’un genre éternel sur lequel ils n’étaient pas encore tout à fait prêt pour y mettre un nom, et l’accepter … ?

« Tu… m’appartiens. »

« Oui » murmura Félix malgré lui, si bas que lui seul avait du s’entendre.

Et ce fut l’harmonie. La résolution de toute cette tension. La cadence parfaite de l’orchestre. L’apaisement. Leurs lèvres se scellèrent, pour de vrai cette fois. Ses bras désormais écartés, Félix n’avait d’autre choix (ou de volonté ?) de se laisser faire, de s’abandonner. Son corps ne pouvait même plus crier au secours, et son âme hurler enfin. C’était juste la paix, un drôle de repos. Chaleur, douceur, un peu d’alcool qui s’évanouissait au profil d’un monde réduit à ce calme.

Félix libéra une de ses mains de l’emprise de Jared et la glissa le long de la nuque du sorcier. Il ne sut dire combien de temps cet instant perdura. Il savait simplement qu’au bout d’un moment, il put murmurer.

« Qu’est-ce que tu fais ? » d’un air de reproche, d’accusation, le tout dans une voix trop douce pour que ses intentions soient claires.

Après ce qu’il venait de vivre, était-il possible de prétendre qu’il connaissait la logique ? Après ce flot inimaginable d’émotions multiples et diverses, pouvait-il encore se dire qu’il pensait avoir réfléchit à toutes les éventualités de la vie ? A quoi bon démultiplier les diplômes, les certificats, les expériences théoriques ? Qu’est-ce qui apprenait la vie ? La vie. C’était la réponse à toute question. Vivre entrainait le savoir. Et parfois, vivre entrainait des questions. Mais le simple fait de pouvoir se la poser sous-entendait qu’on avait appris. C’était peut être une partie du message que Félix avait retenu de son voyage.

Mais en cet instant, il venait d’en entamer un autre d’une tout autre nature. Et depuis quelques secondes, si fortes, si intenses, il avait abandonné sa logique familière au profil d’un sentiment de plénitude inexplicable. C’était presque un comble que cela soit Jared qu’il pensait être son éternel ennemi qui le lui apportait, qui en était la cause première. Se baiser n’était pas prêt de quitter sa mémoire. Et quelque part au fond de lui, on réclamait qu’il y en ait d’autres encore…

Son bras manifestait l’envie de poursuivre cet instant en s’enroulant autour du cou de Jared, comme s’il priait pour qu’ils ne soient jamais séparés l’un de l’autre. Son visage, animé d’une logique perfide, voulait mettre au clair ce qui se passait, comme toujours. Mais s’en était finit de la facilité de la théorie. Il était temps de vivre, comme son inconscient le lui avait répété tant et tant de fois. Et si c’était avec Jared, fallait-il en faire un drame ? Certes, c’était un homme qui pouvait le blesser à tout instant, le manipuler, se servir de lui avec plus d’aisance que quiconque. Mais en même temps, c’était lui qui, le premier, s’était avancé pour l’embrasser. En même temps, la douceur dont il faisait preuve dans ses lèvres était telle que Félix était persuadé qu’elle était sincère. Était-il naif ?

Il sentit la main de Jared se resserrer sur la sienne, comme pour renforcer les chaines qui semblaient les relier désormais. Tout à côté de son visage, il pouvait voir le bras musclé qui empêchait Jared de les plaquer entièrement contre le mur. Et en face, les yeux mordants du sorcier le pénétrait d’une profondeur encore jamais égalée (oublies ces images peu catholiques, lecteur !). Un nouvel instant d’une rare intensité s’écoula, tandis que Félix n’avait pas encore de réponse à sa question, posée un peu malgré lui, comme pour ne pas se laisser faire trop facilement. En même temps, l’angoisse de la réponse le maintenait fermement attentif, comme si un simple mot de Jared pouvait, à l’instant, mettre définitivement fin à ses jours. Jared devait lui dire que c’était une erreur. Mais cela lui ferait trop mal, tellement, qu’il se surprit à espérer que ces mots ne sortiraient jamais de la bouche, si tentante, de Jared.

L’ordre fut fort simple, et imagé d’un geste plus qu’éloquent. Mais tout en douceur. Une douceur qui rendait Félix fou. Une douceur tellement inhabituelle, tellement à l’opposée de tout ce qu’il avait vécu ensembles, mais qui était tout sauf dissonante. Bien au contraire. Rien au contact du doigt de Jared sur ses lèvres éveillées, Félix sentit un frisson le parcourir de la tête au pied. Il se fit violence pour ne pas tenter d’expliquer le phénomène. Sa main libérée qu’il ne maintenait pas tomba vers leurs cuisse, inanimée.

Il se passa encore quelques secondes de flottement durant lesquelles rien n’était clair, encore une fois. Un petit laps de temps où le flou était commode, confortable, presque agréable. Un instant de rien où Félix se demandait ce qu’il convenait de faire. Mais aucune voix ne lui répondait. Et s’il devait se taire, autant replonger dans cet instant de pure magie où les questions étaient futiles et les gestes plus agréables malgré tout.

Alors la main libre de Félix s’éveilla de sa torpeur. Elle se glissa sur la jambe de Jared, remontant lentement, doucement, mais déterminée vers sa hanche, et tandis qu’elle commençait à atteindre son torse, encore revêtu d’une chemise d’un uniforme de pompier, Félix écarta le doigt de Jared posé sur ses lèvres pour de nouveau faire se rejoindre leur lèvres et s’abandonner définitivement. Il se colla peu à peu au corps du sorcier, soumis à une force inconnue, peut être l’alcool, peut être autre chose, peut être les deux. Même ses pouvoirs ne lui obéissaient plus, tandis que la chemise de Jared était télékinétiquement retirée.

Qu’allait-il faire ? Que se produirait-il ? Était-ce raisonnable ? Le fallait-il ? Bien de questions et tant d’autres qui ne naquirent même pas dans l’esprit trop embrumé de complexité du sorcier qui, en cet instant, et peut être pour la première fois de sa vie, ne pensait à rien.

Spoiler:

Jared était brûlant, comme si la passion qui possédait Félix en cet instant le transformait en flamme, et que le corps du sorcier maléfique, à son contact, s’embrasait. Ils semblaient profiter d’un même feu, un incendie allumé par deux cœurs en bernes, l’un novice, complètement inexpérimenté, mais au bon instinct, l’autre dont l’expérience n’était plus à prouver, mais qui, probablement, n’avait peut être jamais ressentit pareil désir pour un homme qui, quelques secondes auparavant, était son ennemi. Jared était peut être chaud, cependant, Félix devait être à la même température que lui, car il ne ressentait qu’une tiédeur agréable mais sur laquelle la situation l’empêchait de s’attarder. C’était l’abandon total. L’expression pure et simple d’un désir depuis trop longtemps refoulé.

Félix accepta sans broncher (et loin de lui l’idée même de broncher à cet instant … grogner peut être !) l’intrusion de la langue de Jared dans sa bouche tandis qu’il s’émerveillait de chaque sensation que, grâce à une intuition qu’il n’avait encore jamais su si puissante, si précise, il faisait en sorte de rendre le double sinon le triple à Jared. Incroyable qu’était de vouloir autant donner en bien à celui avec qui ils se faisaient tant de mal en temps normal …

Sa chemise vola en éclat tandis qu’il promenait ses mains sur le torse saillant de Jared, jouissant du moindre contact de sa peau sur celle du maléfique, complètement envouté par son charme légendaire. La gêne ne prit même pas le temps d’exister. Depuis le temps que se désir se cachait dans les méandres reculés de leurs inconscients, il saisissait, comme un condamné employait son dernier espoir vers la liberté, sa chance de se réaliser. Il fallait croire que ce condamné était un fervent protégé du miracle.

Chaque toucher, chaque gestes de Jared était emplis d’une sensualité si virile, si sauvage, si passionnée à la fois que Félix recevait à chaque instant des slaves de frissons puissants. Son âme toute entière était secouée des tendresses de Jared et il s’évertuait, inconsciemment mais intensément à lui faire connaître pareil bonheur. Et sentir la température de son partenaire grimper, ou les mêmes secousses qu’il ressentait lui donnait un plaisir fou. Sa respiration se cala à celle de Jared, comme si cela pouvait le rapprocher encore. C’était une évidence qu’il avait envie de lui, qu’il voulait que son appartenance à Jared prenne une toute autre signification.

Un instant de répit peut être, et Jared cessait de l’embrasser. Félix sentit presque le maléfique sur le point de l’étrangler, et il réalisait alors avec quelle folie il se livrait tout entier à Jared. Il était plus que prêt à connaître la mort, s’il le fallait, pour avoir ne serait-ce qu’une demi-seconde de plus de ce bonheur partagé avec lui. C’était comme s’il pendait au bout d’un fil au dessus du vide sans fin, et que Jared pouvait, à chaque instant, le lâcher dans les ténèbres. Qu’importe s’il pouvait encore voir ses yeux dans sa chute.

Torse contre torse, cœur contre cœur. Sa main glissait sur sa hanche. Il frissonnait. Pas de froid. De chaleur. De plaisir. D’abandon. Qu’il lui montre qu’il lui appartenait. Faites qu’il ne le lâche pas. Il ne voulait pas sombrer maintenant dans la pénombre. Ce rêve était trop intense pour qu’il puisse s’arrêter sans conséquence. Peut-être était-ce simplement un rîte d’accès au paradis. Un accomplissement. Peut être ce Jared était une image, chimère de son esprit encore emprisonné dans un voyage dont il ne reviendrait jamais ? Cette pensée l’obsédait vraiment. Tout s’arrêtait ensuite ? N’était-ce qu’une parenthèse dans le cours de la vie ? Il fallait la vivre à fond. Quitte à renoncer à tout. Juste cette soirée avec lui. Que le malheur s’abatte s’il n’en vivrait pas d’autres. Il se passerait le souvenir de celle-ci en boucle. Et il pleurerait sans doute. Mais il l’aurait vécu, et cela serait sa plus grande richesse. Avoir connu ce que bien peu connaissent véritablement. La réalité lui faisait peur désormais. Car il voulait que ce qu’il vivait soit vrai. Par pitié.

Il obéit. Et le décors changea. Mais tellement passionné qu’il était, embrumé peut être par l’alcool, il ne ressentit rien de plus que le gargouillis ventral provoqué par un ascenseur un peu rapide. Et il s’éveillait dans une chambre d’hotel magnifique mais qu’il ne prit pas le temps de détailler. Il avait un Apollon en face de lui qui fallait à lui seul toutes les merveilles de ce bas monde et plus encore. Et le tumulte repris. Et le feu se ranima, plus puissant qu’avant, comme à chaque nouveau baiser.

Félix se laissa faire, reculant sous le nouvel assaut de Jared, sentant ses mains sur ses fesses tandis qu’il passait les siennes sur le torse séduisant du maléfique. Il quitta ses lèvres pour faire voler les siennes à son cou, embrassant sa nuque, sa jugulaire comme un vampire pourrait y planter ses dents. Il sentit le bord du lit contre ses molets et il bascula en arrière, entrainant Jared avec lui, retrouvant ses lèvres avec délice. Sa télékinésie fit sauter les bretelles de Jared. Et il fit rouler Jared sur le côté, le chevauchant sa quitter ses lèvres. Il promena ses mains sur son corps ardent. Puis, de nouveau, il quitta sa bouche pour amorcer une descente, petit à petit, en passant par sa gorge, s’attardant sur sa poitrine gonflée, dure et tendue, glissant sur ses pectoraux en continuité avec des abdominaux à en impressionner plus d’un. Il glissa encore, remarquant la braguette ouverte. Il fit sauter le bouton par la pensée. Et il descendit encore, allant embrasser des terres interdites, ses mains caressants son corps à la suite de sa bouche, retirant habilement le pantalon qui semblait le supplier d’agir ainsi.

Abandon. Désir. Plaisir. Donner et recevoir. Se taire et agir. Ne plus réfléchir. C’était facile, en réalité. C’était même d’une aisance déconcertante.

Le dernier rempart qui le séparait de la nudité, de la virilité de Jared s’échappa sous ses mains qui dissimulait leur fébrilité par un semblant d’expertise très trompeur. C’était un homme. Il savait quand même comment fonctionnait ces choses là. Et tandis qu’il loua la virilité de Jared comme il se doit, il ne s’y attarda que peu avec les lèvres qu’il préférait retourner à celles de Jared, et poursuivre les flammes de l’action avec ses mains.

Lâché. Désinhibé. Abandonné.

C’était un peu comme un combat. Les deux adversaires rivalisaient s’assauts. Chacun leur tour, ils échangeaient des coups, dans une ambiance chaleureuse, chargée de dopamine et d’adrénaline, leurs respirations allant au même rythme effréné. Mais chaque coups n’avait qu’un seul but qui distinguait cet épisode d’une bataille : il ne s’agissait pas de blesser, mais au contraire, de donner un maximum de plaisir à son partenaire, comme si le but de cette entrevue soit d’anéantir l’ennemi sous un flot de caresses … Comme si la haine s’était changée en volonté d’être aimé, à défaut de ne pouvoir les départager dans la violence.

Sentir le corps de Jared répondre à ses gestes augmentait d’une même mesure la fougue de Félix qui avait presque débranché la partie logique de son cerveau. Son hémisphère gauche en vacances pour une fois, il se livrait corps et âme à cette nuit, à la situation, à son amant. L’intuition le guidait avec autant de ferveur qu’un chien pour un aveugle et il la suivait sans se poser de questions. La virilité de Jared était un bonheur dont il ne se privait pas.

Les gestes accompagnateurs, mains dans les cheveux, caresses discrètes, souffle plus intense l’entrainaient aussi dans cet état de transe où l’alcool n’avait qu’une responsabilité plutôt réduite. Jared, nu sur le lit, l’excitait à se torde sous le plaisir qu’il recevait. Et plus il le sentait durcir sous ses gestes, plus il voulait continuer encore. C’était un réel délice.

Ce fut au tour de Jared de livrer ses pouvoirs à cet instant déjà magique par essence. Ils lévitèrent, premier vol vers le septième ciel et au-delà, demi-tour vers un lit qui ne semblait plus le même, comme si la chambre d’hôtel venait de disparaître au profil d’un nuage solitaire et isolée où leur ébats auraient des airs paradisiaques, toute considération bénéfique mise à part. Jared le dominait désormais, chevauchant Félix, et ce dernier dévora son corps des yeux, brûlant de désir.

Jared descendit vers son cou, tous ses muscles tendus dans sa position de pompes, et sa langue qui avait déjà fait ses preuves vint caresser sa peau. En même temps, la lame masculine de Jared lui frotta la cuisse à travers son pantalon, et Félix désira ardemment que ce morceau de jean disparaisse. Sous les suçons de Jared, Félix sentit sa respiration s’accélérer et des soupirs commencèrent à jaillir de sa bouche sans qu’il ne puisse rien pour les arrêter tant il avait besoin de manifester son plaisir, en des murmures graves et sensuels. C’est alors que Jared réalisa son désir et Félix se retrouva tout aussi nu que lui.

Mais Jared ne s’interrompit pas là. Leurs intimités se rencontrèrent et une bouffé de chaleur s’engouffra dans l’âme de Félix toute entière, secouant son corps d’une intensité rare. Un soupir peut être un peu plus fort que les autres s’échappa tandis que Jared remuait les hanches et décuplait les frissons. Et il ne s’arrêta pas là. Il attrapa son membre désormais tendu de désir avec le sien et d’une même caresse produisit plus encore de secousses. Félix sentit son corps malgré lui se redresser mais il rencontra la main de Jared qui le maintint au lit. Ce fut son bassin alors qui se souleva par reflexe, dans une posture qui réclamait encore, plus fort et possède-moi à la fois. Ses mains glissèrent sur les cuisses de son amant, remontant lentement vers son jardin secret partagé en cet instant. Il frôla ses aines du bout de ses doigts, déviant ensuite sur deux sphères d’amour, retournant aux cuisses et revenant encore, flattant son amant du mieux qu’il pouvait tandis qu’il était transporté vers un monde encore jamais exploré.

Ses fantasmes dansaient dans sa tête au point qu’il ne su plus très bien les distinguer de la réalité. Il avait des désirs de conclusions, comme si un achèvement devait arriver pour faire que le plaisir dure à tout jamais. Il avait des volontés de prolongements éternels, et d’être possédé pour que les marques sur son cou ne soient ni dérisoires, ni dépourvues de sens, comme si Jared devait s’acquitter de son devoir, lui qui exigeait de Félix qu’il lui appartienne. C’était le cas désormais. Il voulait presque une fusion transitoire, partager encore un peu de celui qui, même à travers leurs premières batailles, avait partagé une bonne partie de sa vie.

Et en partageait encore …

Spoiler:

S’il voulait le faire languir, Jared était sur la bonne voie. Alors que leurs plaisirs de chairs pointaient vers le septième ciel sous le talent de la main de Jared, la tension devenait si palpable, la chaleur si intense, le feu si brûlant dans leur respirations synchrones que le maléfique interrompit son geste et vint à la rencontre, de nouveau, de la bouche de Félix qui accueillit sa langue comme un invite un grand ami chez soi. Il mit autant de fougue dans ce baiser. Plus il en recevait, plus il en donnait, et plus il en réclamait encore.

Puis Jared amorça une descente lente, sensuelle, charnelle en commençant par son cou. Des vagues de frissons déferlèrent dans le corps de Félix tout entier dont chaque membre étaient traversé par des contractions involontaires tandis que Jared poursuivait vers ses pectoraux. Il se tortillait presque tandis qu’il durcissait, ses muscles ressortant bien en évidence, lui qui n’avait pas mangé depuis plusieurs jours, entretenu par un phénomène magique. C’était à croire que Jared était en train de lui apporter la nourriture qu’il n’avait pas eut, comblant le vide au fond de son âme. Le maléfique mordait, titillait, et Félix en tirait un plaisir fou autant que quelques centimètres en bas où son entre-jambe était choyée par une main experte.

Sa jambe était caressée par une virilité chaude et raide, objet de fantasmes indénombrables, envie croissante de cet instant, désir encore inavoué mais que tout invitait à réaliser. La posture soumise de Félix, ses regards languissants, sa dévotion totale à Jared en qui il avait, à ce moment, toute confiance. Il était plutôt clair que Jared menait la danse mais Félix ne s’en plaignait nullement. Il était pratiquement initié au plaisir par cet homme et quelque chose lui murmurait qu’il n’en aurait été autrement, même dans une autre vie. Parfois, une légère crainte le saisissait : c’était sa première fois, allait-il ne pas être à la hauteur, ne pas plaire suffisamment ? Mais sa fidèle intuition prenait alors le relais et refoulait ses craintes en trouvant dans les soupirs gémissants de Jared un encouragement.

Jared s’enfonça vers son ventre, léchant au passage son corps, et Félix glissant dans ses cheveux une main douce et fébrile à la fois. Il pliait et dépliait très légèrement la jambe de sorte à participer à la caresse de la lame de son partenaire. Il sentit une main sur sa hanche et de nouveau, des frissons se répandirent dans tout son corps. Une idée, plus efficacement qu’un poison, diffusait dans ses veines et réclamant de l’encore, et du plus loin. Sa respiration s’accéléra encore.

Et, soudain, sous les gestes habiles de Jared, se fut la danse avec l’extase, tandis que ses soupirs approchaient des râles, mais il n’osait pas crier, comme s’il restait encore en lui une dernière barrière à franchir. Cette main qui lui massait l’intérieur des cuisses, juxtaposant son fantasme de si peu, lui laissant imaginer une suite plus incroyable encore. Cette chaleur au niveau de son entrejambe. Ces caresses infiniment agréables. La sensualité virile d’un Jared qu’il dévorait des yeux, de son âme toute entière. Toutes ses pensées étaient dirigées vers lui, l’encourageant à continuer, lui intimant d’aller plus loin, en un seul cri que seul la minuscule réserve encore l’empêchait de formuler à autre voix. Quelque chose comme un « Oh oui Jared », un peu ridicule, mais tellement plus significatif que les stéréotypes que l’on peut entendre. Tout son corps était secoué de contractions. Il approchait d’un moment qu’il redoutait à la fois, ne voulant pas que cela se termine maintenant.

Agilement, il extirpa ses jambes de sous Jared pour les écarter en tentant de gêner le moins possible son amant, s’offrant clairement à lui, sous la pluie de gémissements qui fusaient de sa bouche. Quand il faillit atteindre le point de non retour, il se redressa, caressa le dos du maléfique pour le conduire à se redresser aussi et l’embrassa fougueusement, une de ses mains descendant sur la virilité ferme de l’homme, s’entrainant à reproduire le plaisir qu’il lui avait donné. Son autre main de libre restant dans son dos, Félix les entrainèrent de nouveau en position allongée sur le lit, lui dessous, complètement à la merci de Jared. Complètement à sa merci.

Les morsures, les soupirs, les frissons et les regards étaient autant d’indices qui l’incitait à continuer encore. L’ambiance était telle qu’un petit coin de paradis semblait avoir élu résidence dans cette chambre d’hôtel, la détachant du monde, comme un astre perdu dans l’infinité de l’univers tandis que deux hommes se prêtaient à l’échange de l’amour et des plaisirs charnels. Félix avait oublié le monde, oublié la vie en dehors des bras de son amants. Il lui semblait, plus que jamais, plus que d’importe quel autre instant de son existence, qu’il vivait pour la première fois de sa vie. Comme si son cœur battait pour la première fois. Comme si son âme ressentait enfin tout entière. Comme si son corps sortait de la bulle d’ignorance qu’il s’était construite avec de la théorie. Il se savait plonger dans une drogue dont il ne se curerait jamais. Il serait un malade, un accros pour le restant de ses jours. Il en avait parfaitement conscience. Mais l’évidence était là, inéluctable, indéniable. C’était trop intense. Trop magique. Trop extraordinaire. Il se damnerait cent fois pour un seul des soupirs de plaisir de Jared. Et cet amour là ne parvenait même pas à l’effrayer un peu.

C’était la danse corporelles de deux vies qui n’avaient fait que de se croiser sans jamais réellement se rencontrer. C’était la parenthèse dans le cours du temps qui lui donnait toute son essence. C’était l’essentiel même du destin, qui expliquait la cruauté des évènements mais également les plus grandes beautés. C’était la fougue de la tendresse, la vie de la mort, la logique de la déraison. C’était tout ce qui était inexplicable, tout ce qui était magique, tout ce qui était inaccessible à l’esprit humain. Un grand amour, mais pas seulement. C’était un émerveillement, un monceau de connaissances infini, une éternelle quête qui, en ce genre d’instant, s’approchait tellement de son but qu’on s’y croyait, avant que cela ne cesse et que ne revienne le moment où l’on part à l’aventure. C’était l’aspect réel d’un rêve éveillé.

Félix était la propriété de Jared. Son âme réclamait se statut, comme s’il s’agissait de la seule chose qui le fasse vibrer de toute part. Il se souvenait presque des nombreuses altercations qu’il avait eut avec lui, à jouer aux chat et à la souris, les Tom et Jerry des temps modernes. A chaque fois, il était passé à côté de la véritable profondeur de leur relation. Mais comment aurait-il pu savoir ? Comment aurait-il pu deviner ? Quand deux côtés distincts les séparaient, quand leur fierté les éloignaient … Ces masques étaient tombées, vides de sens, dépourvus de la moindre raison d’être. Il était grand temps que les cœurs s’exclament, se crient l’un l’autre et se réponde en harmonie. Il était temps que leur corps ne fasse qu’un, pour redonner au monde l’entité logique qu’il avait esquivé à chaque rencontre. Et toutes les cellules de l’organisme de Félix hurlait le nom de son amant, comme un fou qui s’étouffe réclamerait de l’oxygène, comme un affamé suppliant le ciel de lui apporter de la nourriture, comme un homme jeté à la mer qui prie tout les Dieux et les Saints pour qu’ils lui viennent en aide avant qu’il ne se noie à jamais …

C’était l’heure. C’était l’instant. Le moment ultime où tout allait définitivement basculer. Où Félix était prêt à signer n’importe quel pacte qui lui promettait que ce qu’il vivait avec Jared n’était pas qu’un simple coup de tête d’un soir trop arrosé. Il allait goutter à la vie et savait déjà qu’il ne pourrait plus s’en passer. C’était les yeux de Jared pour lequel il se piquait le doigt et traçait sur un papier les lettres de son nom. C’était pour ce regard de braise, ce corps admirable, et ces cœurs qui battaient qu’il vendait jusqu’à son âme. Il sentit Jared s’approcher du jamais exploré. Il sentit arriver l’instant où sa fleur serait ouverte. L’instant dont on se souvient toute une vie, dit-on. Mais il se précipita presque lui-même pour faire cesser cette pression énorme qui, depuis quelques secondes, naissait dans leur désirs incandescents.

Il y en a qui disent que c’est douloureux. Au début. D’autres qui prônent le merveilleux. Félix n’avait pas d’avis tranchant. Son ressentit était au-delà de ces considérations. C’était le plaisir pur qu’il recevait, car en plus d’un acte physique où Jared démontrait une fois de plus sa beauté, sa virilité et sa grâce, c’était l’accomplissement d’une force mentale qui s’exerçait entre eux. Il était possédé, désormais, par un homme ô combien essentiel dans sa vie. Ce n’était pas n’importe qui. Ce n’était pas l’inconnu croisé dans un bar qu’on amène dans son lit pour passer une bonne nuit, et se dire adieu le matin. A cet instant, Félix reçu le sens profond de son existence, dans une vague de plaisir. Encore.

Il ondulait presque le bassin pour inciter Jared à continuer. Il callait ses mouvements aux siens, accélérait parfois, en pleuvant de soupirs. Il caressait de ses mains le corps de l’apollon, glissant sur son torse, sur son dos, frottant ses doigts comme s’il avait des griffes dont le tranchant était fait de tendresse. Il lâchait parfois des fantômes de murmures, comme pour encourager Jared. Il fermait les yeux, mais les rouvrait très vite pour contempler de nouveau l’homme qui lui faisait tant de bien. Il l’embrassa furtivement, encore et encore, au rythme accélérant des allées et venues tandis que le désir grimpait petit à petit. Il attendait l’instant. Il voulait le voir s’abandonner. Il rêvait même d’un abandon mutuel. Il le regardait. Il ne l’oublierait jamais. Si puissant. Si intense. Si magique.

Il ne pourrait jamais empêcher son cœur de battre …

Spoiler:

Extatique. C’était un véritable retour de flammes. Jared allait et venait en lui, gravant dans sa chair son appartenance toute entière à cet homme pour qui il serait prêt à signer tout contrat, pourvu que cet instant ne soit pas qu’un petit abandon isolé. C’était puissant, viril, intense. Il y avait des grognements, des soupirs, des souffles chauds et torrides, et d’autres gestes plus sensuels encore. Un soupçon de bestialité, un zeste de tendresse, et un désir résultat d’un amour sans nom. L’abandon était complet. Et il le rendait bien.

La barrière avait cédé. La résistance était démantelée. Félix succombait littéralement aux caresses de son amant. Sa poitrine se levant et se soulevant au rythme de la nouvelle danse qu’ils entretenaient. De plus en plus vite. De plus en plus fort. Jusqu’à entendre leur corps se heurter comme s’ils voulaient encore plus profondément fusionner. Comme si leur désir, leur plaisir était tel qu’ils voulaient, l’espace d’un instant, ne faire qu’un. L’image était belle, mais elle ne saurait retranscrire avec précision l’indescriptiblement bon qu’ils étaient en train de vivre.

Les spasmes sur le corps de Jared. Ses muscles tendus. Sa fougue éternelle. Sa virilité criante de beauté. Ses râles puissants. Ses gestes décisifs. Sa prestance magnifique. Sa masculinité … Et toute cette excitation si intense qui, dans un long gémissement traversé d’un frémissement se lâcha … Dès l’instant où Félix sentit le fluide … L’impression de bonheur ultime … Deuxième gémissement de Jared … Sa main sur sa propre virilité … Puis sa bouche … et à quelques secondes près, ce fut la libération à son tour …

Ses yeux se dilatèrent. Sa respiration se crispa. Son corps tout entier suivit. Une inondation d’hormones envahit son cerveau. Une jouissance sur laquelle il n’était pas possible de mettre des mots le saisit. C’était un véritable feu d’artifices dans tout son corps que Jared avait allumé. C’était l’accomplissement même du plaisir. C’était un poisson puissant qui se répandait jusqu’à son âme et auquel il aurait envie de goutter de nouveau toute sa vie. C’était tout dans un soupir plus bruyant que les autres …

Il s’écoula quelques secondes durant lesquelles il n’entendit que leur respirations effrénées. Félix sentait dans tout son corps une paix divine, un calme olympien qu’il n’avait encore jamais connu. Lentement, gracieusement, il alla chercher Jared et déposa un petit baiser sur ses lèvres, l’invitant à venir s’allonger près de lui, recouvrant leur corps dénudés de la couette chaude de leur ébats si puissants. C’était la trève entre deux mondes qui venait de se rapprocher plus que de raison.

Félix passa un de ses bras sous celui, le plus proche de lui, de Jared et le deuxième s’installa sur son torse tandis qu’il repartait à la recherche de ses lèvres, aspirant à un peu de douceur avant de tomber dans les bras de Morphée. Morphée qu’il souhaitait tant rebaptiser Jared. Parler ? Il avait un peu peur. Il risquait de ne pas savoir aligner deux mots. Il avait besoin de temps, de savoir comment Jared allait réagir ... peut être allait-il le jeter ?! Là, ça devenait effrayant ...

C’était quelque chose comme une sorte de véritable terreur qui lui noua les entrailles, tant et si bien qu’il sentit sa respiration se couper, s’interrompre et qu’il crut ne jamais plus pouvoir inspirer. C’était un peu l’impression d’arracher à un enfant, après des années de promesses et l’entrevue du bonheur promis, le jouet pour lequel il avait déployé tous les efforts du monde. Voilà, alors qu’il cherchait simplement le contact de Jared, pour s’endormir dans un nid de tendresse inégalé, le maléfique le repoussa. Et malgré aucun signe apparent de rejet volontaire, l’esprit de Félix s’envenima de pensées négatives, effrayantes, atroces. Si Jared partait, il se rendait compte qu’il était prêt à se jeter de la fenêtre de l’hôtel pour mettre fin à la souffrance qu’il ne voulait pas connaître. La séparation. L’abandon. L’errance.

Il regardait le moindre geste de Jared. Un clin d’œil semblait durer une éternité tandis que son amant s’éloignait encore de quelques millimètres. Il cherchait à prévoir, savoir ce que Jared souhaitait. S’il voulait simplement partir et le laisser en plan, se rhabiller et le quitter avec une remarque cynique dont il était le spécialiste, signant par là même la mise à mort du bénéfique. Mais son cerveau devait être rouillé, ou complètement obstrué par ses émotions. Car il n’y parvenait pas. Anticiper, soit ce qu’il faisait vingt-quatre heures sur vingt-quatre depuis l’aube de son existence lui était, alors qu’il en avait plus besoin que jamais, impossible. Même son cœur sembla s’immobiliser.

Il contemplait malgré lui les épaules robustes de Jared qui s’animaient dans le détails de son mouvement. Le jeu des muscles sur ses scapula, la ceinture scapulaire parfaitement renforcée, les vertèbres cervicales d’une nuque attirante, les dorsales qu’il aimait caresser du doigts de cette façon si aguichante jusqu’à plonger au niveau des lombaires, au creux des reins, là où le cambré distinguait l’homme vantard de l’étalon talentueux qu’était Jared … et puis, les vertèbres dites sacrées …

Jared revint vers lui et ce fut comme si la vie décidait de faire demi-tour et de l’animer de nouveau. Un coussin entre les mains qu’il installa derrière sa tête tandis que, quelques secondes plus tard, il l’agrippait et le tirait contre lui. Et Félix eut un soupir de contentement, alors que, sans résistance, il se laisser complètement manipuler … en toute confiance « étrangement ». C’était si confortable d’être ainsi rassuré, tout contre Jared, baigné de tendresse et d’affection. Il aurait fallu que jamais cette nuit ne s’arrête. Lancer un sort ? La magie ne devait pas servir aux besoins personnels mais … c’était très tentant. Toutefois, c’eut été manipuler Jared. Et, à cet instant, Félix réalisait qu’il n’en avait nullement envie … un trop grand respect résidait.

Posé contre le torse de Jared, sentant sa main descendre dans son dos en lui envoyant des décharges électriques à chaque avancée, Félix se sentait bien. Sa propre main traçait des cercles sur le pectoral droit de Jared, contournant toujours un peu plus près à chaque rotation, le petit bout de chair qui dépassait de la surface lisse, douce et rigide du corps de son amant. Il redressa la tête quand il sentit ses mèches se soulever suite au souffle de Jared. Il eut un petit sourire. Puis il embrassa doucement la base du coup de Jared, juste au creux de l’épaule. C’était peut être un moyen de communiquer cet étrange trouble en lui, ces mots qu’il ne pouvait dire, car bien trop effrayant. Des mots qui devaient rester secrets, en attendant que la situation s’éclaircisse. Lui confier cette missive, ce « je t’aime » que même dans ses pensées il dissimulait, aurait marqué la fin de ce moment béat. Mais c’était malgré tout une évidence. Il n’avait pas besoin de réfléchir pour le sentir. Pour une fois.

Félix ferma les yeux. Et si demain, il se réveillait sans voir Jared à ses côtés ? Il rouvrit les yeux, constata que Jared était toujours là, puis retrouva le noir. Si Jared le laissait, il aurait néanmoins connu le moment le plus fort et le plus heureux de toute sa vie. Il serait triste, certes, mais serein en même temps. C’est sur cette pensée que Félix tomba dans le sommeil, un souffle audible s’échappant pourtant de ses lèvres …

« Je t’a…ppartiens »

Le lendemain, Félix se réveilla. La situation était trouble mais les souvenirs intacts. Avant de réfléchir, de s’interroger, de paniquer ou tout autre chose, il ne faisait que d’ouvrir les yeux, et contempler le visage endormis de Jared tant qu’il le pouvait encore, sa main libre passant lentement et délicatement sur les traits de Jared. Quand il verrait les premiers signes du réveil, il ferait alors mine d’être encore endormis. Ensuite, ils réfléchiraient …